Notre capacité à servir la vie la plus vulnérable est le signe le plus éminent de notre humanité

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Alors que s’ouvrent les Etats généraux de la bioéthique, ce jeudi 18 janvier, l’évêque de Fréjus-Toulon rappelle qu’il existe des interdits fondateurs.

« Il est toujours plus sympathique, lorsque l’on soutient une cause, d’essayer de la présenter de manière positive et d’en souligner les aspects les plus consensuels. Ainsi, il est convenu que sur les questions sensibles, comme celles qui touchent à la vie humaine, on doit s’abstenir de condamnations trop rapides et de jugements à l’emporte-pièce. A juste titre on s’efforce de distinguer personne et acte, de ne pas réduire ceux qui portent atteinte à la vie aux pratiques discutables qu’ils promeuvent parfois. Ainsi, alors que s’ouvrent les « Etats généraux de la bioéthique » le 18 janvier, nous sommes invités à participer à un « Débat public » organisé par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), préalable à la révision des lois de bioéthique.

Nous sommes priés de prendre part aux échanges sur ce thème, au double titre de citoyens et de croyants. Si l’on ne peut que souscrire au principe du dialogue et à son importance, on peut s’interroger sur ces modifications fréquentes des lois de bioéthique. Les évolutions des sciences et techniques qui touchent le vivant sont certes rapides, mais justifient-elles la remise en cause des principes qui semblaient acquis il y a à peine sept ans ? Sinon, pour « s’adapter à l’évolution des mentalités », selon l’expression consacrée, qui seraient désormais prêtes à accepter certaines pratiques, quand elles les refusaient il y a peu. On cite alors les sondages, censés refléter ces évolutions dans l’opinion publique. S’agirait-il alors seulement de « prendre le pouls de la société ? »

 

Quelques Non pour un grand Oui à la vie

Nous ne pouvons nous résoudre à cette présentation irénique des enjeux entourant les Etats généraux de la bioéthique, car elle semble faire droit à une éthique relativiste, où il n’y aurait pas de principes intangibles, en particulier lorsqu’il s’agit de la défense du plus vulnérable. La loi ne ferait qu’entériner ce que pense la majorité et non ce qui est juste, en vue du bien commun. Il est bien sûr indispensable de discuter des technologies les plus avancées appliquées à l’homme et à son corps, mais avant de progresser dans ces domaines, il n’est pas inutile de disposer de quelques repères. L’Eglise est porteuse d’une parole et d’un message sur l’homme et elle doit saisir l’occasion de les rappeler lors de ces débats.

 

La PMA pour personne

S’il s’agit de parler de l’extension de la procréation médicalement assistée aux femmes homosexuelles ou célibataires, c’est non. Entendons-nous bien, non pas en raison d’une « orientation sexuelle », mais parce que la PMA porte déjà atteinte en soi aux grands principes d’humanité. Parmi les motifs qui justifient le jugement négatifs, on peut citer : la séparation de l’union et de la procréation, la création d’une « humanité congelée », l’altération des relations de paternité et de filiation avec toutes les questions liées à l’identité personnelle.

On peut d’ailleurs s’interroger sur le don des gamètes, qui rend possible toutes ces techniques de transmission de la vie… et malheureusement toutes leurs dérives : ne devraient-elles pas être des cellules « indisponibles » ? Il serait enfin naïf d’oublier le rôle des lobbies dans ce domaine et les enjeux économiques liés à la PMA.

 

Non à l’euthanasie

Il est d’usage de dire pudiquement que l’on abordera les « questions relatives à la fin de vie », autrement dit de l’euthanasie, rebaptisée « mort dans la dignité », ou du suicide assisté. L’Eglise redit avec force que la valeur d’une vie ne se mesure pas à son utilité et que la dignité, constitutive de la personne humaine, ne se perd jamais. Sans encourager l’acharnement thérapeutique, il est possible d’accompagner jusqu’au bout la vie, par des soins dits « palliatifs », surtout lorsqu’elle est rendue fragile par la maladie ou la vieillesse. On sait les progrès immenses accomplis dans le soulagement de la douleur, même s’il est difficile de supprimer totalement la souffrance. Qui est capable d’en juger, surtout lorsque celle-ci n’est pas seulement physique ? Il est difficilement supportable de traverser certaines souffrances, encore plus de voir souffrir, mais sans un Non ferme à toute atteinte directe à la vie, personne n’est en mesure de dire quand une personne doit être supprimée.

 

Non à la GPA

Le recours à des mères porteuses ne sera jamais « éthique » ! On ne peut se résoudre à accepter que le ventre des femmes, souvent les plus pauvres, puisse être loué. Cette pratique, très lucrative, entérine la marchandisation du corps des femmes et le fait que la grossesse puisse faire l’objet d’un contrat, dont le but serait de « livrer » un enfant. Quel débat possible dans ce domaine, sinon la reconnaissance de l’indisponibilité du corps de la femme et de l’interdiction universelle de cette pratique ?

Il est impossible de légitimer toutes sortes de comportements pour assouvir les désirs de certains. La vie d’un enfant est un don, jamais un dû. Il a le droit d’avoir un père et une mère, son père et sa mère. Lorsqu’on envisage la GPA, on ne manie pas les concepts, on s’apprête à créer des situations familiales douloureuses et des problèmes insolubles.

 

Non à un nouvel eugénisme

L’embryon n’est pas un objet de recherche, fussent pour les meilleurs motifs. Il n’est pas susceptible de tri ou d’élimination en fonction de ses handicaps possibles. La question est : sommes-nous capables de changer de regard sur le handicap ou sur le plus cabossé ? et non : supprimons le malade !

S’il doit exister des interdits, c’est toujours en vue de protéger le plus faible. Notre vigilance éthique n’est en rien un nouvel ordre moral : elle est nécessaire pour que la société fasse droit au plus fragile. Nous croyons à une prise de conscience possible, car « l’homme passe l’homme » ; il est capable de la plus grande bienveillance, de changer son regard sur la personne vulnérable. Nous serions en mesure d’accueillir le migrant en détresse et incapables d’accueillir la vie diminuée d’un enfant malade ?

Les autres questions en jeu dans les débats qui vont être organisés touchent notre conception de l’humanité : qu’est ce qui nous définit comme homme, comme personne humaine ? On pense par exemple à l’Intelligence Artificielle, aux mégas bases de données médicales informatisées, à « l’homme augmenté » ou au transhumanisme… Ces techniques ont besoin d’une réflexion éthique, qui comportera à n’en pas douter des interdits.

 

Débattre et annoncer l’Evangile de la Vie

Soyons attentifs ! Il est certes nécessaire de participer aux tables rondes, colloques, réunions publiques qui auront lieu sur ces sujets, de faire connaître nos opinions et de faire entendre notre voix. Ce ne peut pas être seulement une affaire d’experts et de « spécialistes ». Mais ne soyons pas dupes de cette « démocratie en trompe-l’œil » (Jacques Testart) et de ces échanges qui doivent permettre de « construire la vérité » (Emmanuel Macron) plus que de la rechercher. Monsieur Macron s’est par exemple déjà déclaré favorable à « la PMA pour toutes » à plusieurs reprises et le CCNE a donné un avis positif à ce sujet. Les dernières lois sur la fin de vie ne datent, elles, que de 2016…

Au sujet des catholiques, on nous parle des débats de 2013 lors de la discussion sur le « Mariage pour tous », peu préparés nous dit-on dans les diocèses. En réalité, c’est aux débats de 2011 qu’il faut se référer. Les catholiques avaient alors participé activement aux Etats généraux de la bioéthique, avec le peu d’écho que l’on sait.

Restons mobilisés et plein d’espérance quant à la pertinence et à la validité de l’Evangile de la Vie qui nous redit sans cesse la valeur de toute vie, « depuis sa conception jusqu’à la mort naturelle ». Notre capacité de servir la vie la plus vulnérable sera toujours le signe le plus éminent de notre humanité ».

Monseigneur Dominique Rey
Evêque de Fréjus-Toulon

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