Homélie du pèlerinage des mères de familles à Cotignac

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Femme, épouse, mère à l’école de Cotignac

 

Chères pèlerines,

Sous le soleil ardent de la Provence, vous avez cheminé jusqu’à Cotignac. Cette marche en avant est aussi un retour en arrière, un retour aux sources en ce double sanctuaire qui évoque le mystère de la Sainte Famille de Nazareth, avec ces deux figures parentales qui accompagnent l’enfant Jésus : Marie et Joseph.

Pour guérir, affermir, reconquérir votre vocation, ces références tutélaires de Marie et de Joseph offrent des ressources indispensables pour assumer à la fois votre identité féminine, votre alliance conjugale et l’engendrement maternel (non seulement physique mais aussi éducatif et spirituel) de l’enfant ou des enfants que Dieu vous a confié.

  • En premier lieu, Marie vous fait redécouvrir votre beauté de femme. Dans le livre de la Genèse, au début de la Bible, la création d’Eve tirée du côté d’Adam, c’est-à-dire du lieu de son cœur, couronne le récit de la Création. Eve achève la Création au double sens d’une terminaison et d’un accomplissement.

Une œuvre est achevée au sens où elle atteint une perfection dans sa réalisation. Une perfection qui relève de la beauté. Beauté non seulement physique, mais également beauté de l’esprit, beauté de l’âme. Beauté insigne de la femme, à partir de l’alliance avec Adam, admiratif, qui la reconnaît : « Voici l’os de mes os, la chair de ma chair ! » Cette beauté vous constitue. « Tu es belle, ma bien-aimée », chante le Cantique des Cantiques. (1, 15)

Le monde dévalorise, accapare, instrumentalise, parfois prostitue la beauté en la réduisant à la plastique, à l’esthétique, aux canons éphémères de la mode en la déconnectant de la vérité, en la rapportant uniquement à l’émotionnel.

La beauté d’un être s’expose aussi à partir de ses failles, des fragilités de son corps. Une pièce de tissu usé laisse plus facilement passer la lumière. La vraie beauté de la femme remonte de l’intérieur. Elle ne relève ni du faire, ni du paraître et de la brillance extérieure, mais de la profondeur de l’être, de son habitation par Dieu. « Dans la maison du Seigneur vient goûter sa beauté », chante le psalmiste (Ps 26, 4). « Toute expérience de la beauté annonce l’éternité », disait Urs von Balthasar.

Dieu revêt la femme d’une beauté qui nourrit son âme et inspire au dépassement de soi vers Celui qui en est l’auteur et l’origine. Comme toute œuvre d’art, la beauté fait ressortir l’unicité de la personne, sa singularité à contre-emploi des mimétismes et des injonctions photocopiques dans lesquels on voudrait la réduire.

Chères pèlerines, votre vocation de femme est d’apporter une touche, un reflet spécifique de chacune à la beauté du monde. St Paul VI associait l’expérience de la beauté à la vertu d’espérance. « Le monde a besoin de beauté pour ne pas tomber dans la désespérance ».

De même que nous ne pourrions pas supporter l’éclat incandescent du soleil, de même le propre de la beauté divine est à la fois de se révéler et de se cacher. L’épiphanie de Dieu est toujours fugace, comme l’ont expérimenté Moïse au Sinaï et les apôtres au Thabor. Elie ne verra la splendeur divine que de dos tant elle était écrasante. Nous ne pouvons pas capter la vive lumière de Dieu, mais seulement sa clarté qui irradie sur le visage des êtres qu’elle rencontre et qui se sont rendus perméables à son passage.

Très chères sœurs, cette lumière dont vous êtes porteuses, témoins auprès des vôtres, rayonne à partir d’un amour qui vous saisit au plus intime et qui vous porte. Votre unité de vie en Dieu intensifie ce rayonnement.

La tentation narcissique est de rapporter à soi-même la source de la beauté en cherchant à être reconnu, adulé, admiré. « Que votre parure ne soit pas extérieure, mais celle du cœur. » (1 P 3), recommandera l’apôtre Pierre. Permettez-moi de vous rapporter cette anecdote : un confesseur recevait un jour une pénitente pour le sacrement de la réconciliation. Celle-ci lui confessa sa vanité : elle passait des heures, disait-elle, devant son miroir en se disant combien elle était belle… Tel était son péché… C’est alors que le sage confesseur releva la tête et la considéra quelques instants avant de lui dire : « Madame, ce n’est pas un péché, c’est une erreur ! »

Souvent, la beauté de l’être se manifeste paradoxalement au moment où il ne s’en rend pas compte. Une beauté qui jaillit d’autant plus qu’en imitant le Christ, on devient de plus en plus soi-même. C’est Lui qui nous embellit en nous rapportant à notre origine et à notre identité la plus profonde. C’est Lui qui nous restaure par sa résurrection, en nous revêtant, par sa miséricorde, de sa splendeur divine.

Chères pèlerines, cette beauté dont Dieu vous revêt depuis le jour où Il vous a choisies, créées, bénies et dont le Christ vous a investies depuis le jour de votre baptême, cette beauté se distille autour de vous par votre charité.

Enlaidi par le péché, le monde dont l’avenir s’obscurcit, est en attente de cette beauté sans déclin dont vous êtes prophètes, « sentinelles de l’invisible », selon la belle expression du pape St Jean-Paul II. « Je demande au Seigneur une seule chose, la seule que je cherche : habiter tous les jours dans la maison du Seigneur pour voir la beauté du Seigneur et l’admirer dans son Temple », chante le psaume 27. C’est quand on est pétri de Dieu, en particulier par l’adoration et la louange, que sa beauté se réfracte en nous et qu’on la diffuse autour de soi.

Alors que tant de nos contemporains se méfient des discours et des arguties, le langage d’une beauté née d’une transcendance vient les rejoindre et les libérer des idéologies mortifères et utilitaires qui dévoient le coeur.

  • Chères pèlerines, votre vocation consiste à assumer et à soigner comme femme cette beauté de l’âme mais également à devenir vraiment épouses, en communion et en vis-à-vis d’un être, votre époux, que le Seigneur vous a confié. Ce mystère d’alliance (homme et femme, Il les fit) s’origine en Dieu qui est communion trinitaire. Cette alliance constitue aujourd’hui encore un message prophétique pour notre humanité tentée de réduire l’union des êtres à du provisoire, à du factice, à de la négociation contractuelle, à des consensus et commodats éphémères…

Jésus commence son ministère public à Cana par la célébration de noces. La Bonne Nouvelle qu’il annonce à l’humanité est celle d’une union, d’une alliance nouvelle de Dieu avec l’humanité. Il est son véritable époux qui donnera sa vie pour lui donner la vie. Et chaque mariage actualise cette alliance de Dieu avec l’humanité à travers le consentement exprimé par l’homme et la femme qui se donnent l’un à l’autre.

Cette alliance est faite de reconnaissance mutuelle. Chacun devient constitutif de la vie de l’autre, comme s’il lui avouait : « j’ai besoin de toi pour exister ». « Tu es unique au monde. »

Cette alliance est faite aussi de résilience afin de trouver, dans le partage et le pardon, l’énergie mutuelle pour se dépasser, se relever. Nos limites peuvent devenir des opportunités, grâce au soutien de l’autre pour gagner en lucidité, en vérité, en confiance, en espérance.

Chères pèlerines, cette alliance est toujours à reconquérir, à approfondir, à relancer. Mais elle est un signe, un appel de Dieu adressé par vous-même à vos enfants et à votre entourage pour croire à l’amour dans un contexte de délitement et d’échecs de tant et tant de couples, dans un paradigme du tout jetable où l’on ne croit plus à un amour qui rime avec toujours.

Le tissu conjonctif de la société est déchiré lorsque la matrice familiale est endommagée ou mise en danger. L’individualisme est le fruit amer de cette érosion de l’alliance nuptiale. Individualisme exacerbé qui génère l’émiettement, la fragmentation de la société et annonce son délitement, voire sa dissolution.

 

  • Femme, épouse, chères pèlerines, vous êtes aussi mères. Et à ce titre, vous avez vécu une expérience intime à la fois charnelle, psychologique et spirituelle, celle de l’engendrement. Votre ventre a été le tabernacle de l’éclosion d’une nouvelle vie, fruit de votre amour avec votre mari, et que vous avez accueillie, nourrie… La gestation qui ne se clôt pas avec la naissance, mais elle vous conduit à entourer de soins, à accompagner d’attention la croissance d’un être jusqu’à ce qu’il devienne un jour sujet de sa propre histoire. Ainsi, l’accouchement ne vaut pas seulement au temps de la grossesse, mais prend toute votre vie, en vous ajustant sans cesse aux besoins et aux attentes de cet enfant.

Notre société est confrontée au double défi d’une part, de la dénatalité et donc du vieillissement de la population avec toutes les conséquences démographiques, économiques, sociétales de cette séniorisation ; et d’autre part, au défi de vouloir produire la vie, d’en disposer, de la fabriquer par des manipulations génétiques en contournant les règles naturelles de l’écologie familiale (je pense à la PMA, actuellement sur le chantier du Parlement, et puis après à la GPA qui pointe son nez…) ou encore, à la tentation eugéniste de la détruire, quand on n’en veut plus.

Face à tous ces périls, le témoignage de votre maternité est éloquent. Il doit interpeller le silence lâche et les rêves prométhéens de ceux qui voudraient nier le fait que la vie est un don, et que la maternité en est le canal ; que l’enfant a le droit absolu de vivre. La femme est gardienne de la vie. Vous portez votre vocation dans la vive conscience de votre fragilité face à l’incertitude de la vie à naître, dans la joie qu’elle puisse éclore de vos entrailles ; dans la responsabilité d’accompagner sa maturation par une qualité de présence, d’attention de chaque instant. La vie à naître et à faire grandir prend toute votre existence et lui offre un sens, à la fois une intériorité et une finalité. Elle rend votre maternité généreuse et si précieuse.

Chères pèlerines, sur les traces de la Vierge Marie, de son chaste époux Joseph et en contemplant l’enfant Jésus qu’ils ont accompagné de leur amour, vous êtes invitées ici à Cotignac, à redécouvrir d’abord la beauté de votre vocation de femme (beauté qui surgit du regard que le Seigneur pose sur vous). Ensuite, votre mission d’épouse, épouse fidèle de par l’alliance de cœur, de corps et d’esprit avec celui qui est « l’os de vos os et la chair de votre chair » (pour reprendre l’expression biblique). Cet amour conjugal est le berceau de la vie de ceux qui naîtront de cet amour.

Enfin, votre maternité porte l’espérance d’abord pour votre famille, mais aussi pour notre société. Face aux utopies technologiques qui voudraient faire surgir l’inédit de la mode, de l’innovation scientifique, vous témoignez que la vraie nouveauté procède d’un enfantement. La vraie nouveauté ne relève pas de l’obsolescence, mais du miracle, de l’inouï de l’engendrement.

Qu’en ce jour et qu’en ce lieu de grâce, le Seigneur vous aide pour prendre la juste mesure de votre appel ! Le Seigneur compte sur vous. Appuyez-vous sur Lui, comme Marie et Joseph nous l’enseignent en ce sanctuaire de Cotignac.

 

+ Dominique Rey

13 juin 2021

Sanctuaire de Notre Dame de Grâces.

 

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