HomĂ©lie de Mgr Touvet pour l’ordination diaconale de ClĂ©ment ANOUIL, François de CARBONNIÈRES, Henri GILLIOT, Guillaume LE GALL, Thibaud PERRUCHOT, Paul TRIFAULT

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Dimanche 1er décembre 2024
1er Dimanche de l’Avent

Ordination diaconale
de Clément ANOUIL, François de CARBONNIÈRES, Henri GILLIOT, Guillaume LE GALL, Thibaud PERRUCHOT, Paul TRIFAULT
Missionnaires de la Miséricorde Divine
Collégiale Saint-Martin de Lorgues

Chers frùres et sƓurs,
Monseigneur Rey, cher Dominique,
Vous chers ordinands,
Voici le temps de l’attente. Oui, il nous faut maintenant attendre, chers amis ! Encore attendre ? Non pas l’ordination diaconale puisqu’elle vous est donnĂ©e par la Sainte Église et mon humble ministĂšre de successeur des ApĂŽtres aujourd’hui dans cette collĂ©giale comble, mais l’attente du Messie, l’attente du jour de Dieu, l’attente de la RĂ©demption. C’est lĂ  l’essentiel, et c’est cela qui nous intĂ©resse aujourd’hui. Le Seigneur est bon, et nous l’aimons. La Sainte Église est belle, et nous l’aimons.
Il existe diffĂ©rentes façons d’attendre : « comme une poule qui couve », c’est-Ă -dire avec patience, « en faisant le pied de grue », ce qui manifeste une lĂ©gĂšre impatience, « en poireautant pendant cent sept ans » ce qui veut dire que ça a vraiment trop durĂ©. Nous n’entrons pas dans ce type d’attente mais dans la disposition spirituelle attendue de Dieu afin d’ĂȘtre prĂȘt Ă  accueillir les bienfaits de sa grĂące et de cĂ©lĂ©brer sa venue, son avĂšnement – adventus – parmi nous.
Saint Bernard Ă©voque pour nous les trois sens de l’adventus : « Dans le premier avĂšnement, JĂ©sus-Christ se montra sur la terre et conversa avec les hommes [
] dans le dernier, « tout homme verra le Sauveur envoyĂ© de Dieu (Lc 3,6), et ceux qui l’ont crucifiĂ©, pourront le contempler (Jn 19,37 ) Celui du milieu est secret, c’est celui dans lequel les Ă©lus seuls voient le Sauveur au dedans d’eux et leurs Ăąmes sont sauvĂ©es. Ainsi dans le premier avĂšnement, JĂ©sus-Christ vient dans notre chair et dans notre faiblesse ; dans celui qui tient le milieu, il vient en esprit et en vĂ©ritĂ©, et dans le dernier il apparaĂźt dans sa gloire et dans sa majestĂ©. » (sermon 5,1). C’est pour connaĂźtre ce triple avĂšnement que nous allons attendre. « La nuit est bientĂŽt finie, le jour est tout proche. », nous dit l’ApĂŽtre Paul dans sa lettre aux Romains. C’est l’incroyable mystĂšre qui se rĂ©pĂšte, le mystĂšre qu’évoquent nos traditionnels cantiques de NoĂ«l : Dieu s’incarne pour sauver l’humanitĂ©, non pas dans un acte passager, mais JĂ©sus continue Ă  naĂźtre et renaĂźtre dans notre vie et au cƓur de notre monde. Il nous faut consentir Ă  l’attente pour laisser plus d’espace Ă  Dieu et raviver notre dĂ©sir d’un recommencement. Veiller se veut alors l’expression de notre fidĂ©litĂ© Ă  Dieu et du soin que nous mettons Ă  vivre avec Lui parce que c’est Lui d’abord qui s’est approchĂ© de nous par son Incarnation, assumant pleinement notre condition humaine. L’Avent est donc un temps d’attente joyeuse, de vigilance, une attente qui n’est pas vide, mais centrĂ©e sur la personne de JĂ©sus, habitĂ©e par Lui. Cette attente est aussi un temps d’espĂ©rance, animĂ©e d’une certitude : le Seigneur est venu, il vient encore et il viendra Ă  la fin des temps. Notre vigilance est celle d’un cƓur qui aime, d’un cƓur dont l’amour souhaite ardemment la venue de Celui qui vient s’inscrire dans notre humanitĂ©. Le Ciel vient visiter la terre. « Redressez-vous et relevez la tĂȘte, car votre rĂ©demption approche », nous dit le Seigneur JĂ©sus.
Le diacre est serviteur de cette attente. Ayant reçu le don du Saint-Esprit qui le fortifie, il apporte aide Ă  l’évĂȘque et au presbyterium dans le ministĂšre de la charitĂ©, de l’autel et de la Parole, en se montrant serviteur de tous. Comme serviteur de JĂ©sus-Christ qui s’est montrĂ© serviteur au milieu de ses disciples, le diacre sert avec joie et de tout cƓur le Seigneur lui-mĂȘme et ceux vers qui il est envoyĂ© en mission. Le cĂ©libat auquel il s’engage est Ă  la fois signe et aiguillon de la charitĂ©, et source de fĂ©conditĂ© dans le monde. Il est appelĂ© Ă  suivre l’exemple de ces hommes « estimĂ©s de tous, remplis d’Esprit-Saint et de sagesse » qui furent choisis par les apĂŽtres pour les seconder. La priĂšre d’ordination Ă©voquera ce choix. Le diacre doit demeurer sans reproche devant Dieu et devant les hommes, sans se laisser dĂ©tourner de l’espĂ©rance de l’Évangile dont il est Ă  la fois l’auditeur et le prĂ©dicateur.
Cher frĂšres ClĂ©ment, François, Henri, Guillaume, Thibaud et Paul, mon cƓur est dans la joie et beaucoup se rĂ©jouissent avec moi de vous voir devenir diacres. Je vous le redis, vous devenez serviteurs de cette attente, serviteurs de l’avĂšnement du Seigneur. Retenons trois dimensions propres au temps de l’Avent : serviteurs de la rĂ©demption, serviteurs de la conversion, serviteurs de la consolation.
Serviteurs de la RĂ©demption : nous l’avons entendu dans la bouche mĂȘme de JĂ©sus : « votre rĂ©demption approche », « le royaume de Dieu est proche », ou dans la bouche de saint Paul : « le salut est plus prĂšs de nous maintenant qu’à l’époque oĂč nous sommes devenus croyants ». Le Messie, le Sauveur
 le peuple d’IsraĂ«l l’attendait depuis des siĂšcles. Une attente longue et mouvementĂ©e, faite de crises comme l’exil Ă  Babylone, une attente ponctuĂ©e d’infidĂ©litĂ©s et de conversions. Mais Dieu, fidĂšle Ă  sa promesse pour mille gĂ©nĂ©rations (Ex 34,7), vient visiter la terre. Le Fils Ă©ternel prend chair de notre chair en la Bienheureuse Vierge Marie. Comme l’écrivit saint IrĂ©nĂ©e, « Le Verbe de Dieu est venu habiter dans l’homme ; il s’est fait « Fils de l’Homme » pour habituer l’homme Ă  recevoir Dieu et pour habituer Dieu Ă  habiter dans l’homme » (Adv. Haereses III,20,2-3). Chers frĂšres, vous allez donc servir cette venue du rĂ©dempteur dans le monde d’aujourd’hui. Par votre proximitĂ© avec JĂ©sus, vous offrirez aux autres la proximitĂ© du Seigneur, sa bontĂ© salvatrice. Saint Charles de Foucauld, cher aux Missionnaires de la MisĂ©ricorde divine par son amour de l’Eucharistie et sa prĂ©sence au milieu des musulmans, celui dont c’est la fĂȘte aujourd’hui mĂȘme si le dimanche de l’Avent a la primeur, disait ceci que vous pourrez chercher Ă  vivre : « Mon Seigneur JĂ©sus, vous avez mis en moi ce tendre et croissant amour pour vous, ce goĂ»t de la priĂšre, cette foi en votre Parole, ce sentiment profond du devoir de l’aumĂŽne, ce dĂ©sir de vous imiter, cette soif de vous faire le plus grand sacrifice qu’il me fut possible de vous faire. »
Serviteurs de la conversion. L’apĂŽtre Paul nous y invite avec vigueur dans sa lettre aux romains : « Rejetons les Ɠuvres des tĂ©nĂšbres, revĂȘtons-nous des armes de la lumiĂšre. Conduisons-nous honnĂȘtement, comme on le fait en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni dĂ©bauches, sans rivalitĂ© ni jalousie ». Il insiste mĂȘme sur le fait que seule la ressemblance au Christ est la voie d’une conversion vĂ©ritable : « RevĂȘtez-vous du Seigneur JĂ©sus-Christ ». Par l’ordination, ayant ensuite revĂȘtu les ornements liturgiques qui manifestent votre nouvel Ă©tat, vous revĂȘtez le Seigneur JĂ©sus-Christ serviteur de tous et vous invitez chacun Ă  lui ressembler. Par votre conversion personnelle et quotidienne, selon les exigences de l’Évangile et les textes fondateurs de votre SociĂ©tĂ© de Vie Apostolique en devenir depuis sa fondation sous l’impulsion de Mgr Rey, vous invitez Ă  la conversion joyeuse dans l’abandon Ă  la grĂące de Dieu. Entre ses Ă©garements de jeunesse et ce jour de 1886 oĂč Charles rejoint la cohorte des « convertis de la Belle Époque » (Maritain, PĂ©guy, Psichari
), il y eut l’ascĂ©tisme de son exploration marocaine puis des annĂ©es de recherche philosophique, de quĂȘte de la vĂ©rité  Dans son absolutisme, il ne conçoit pas sa vie autrement que sur le mode d’une donation radicale Ă  Dieu. Il ne veut « vivre que pour lui ». Il reviendra de Nazareth avec cette image folle du dĂ©nuement extrĂȘme et le dĂ©sir de s’y conformer littĂ©ralement. AprĂšs quelques annĂ©es Ă  la Trappe de ND des Neiges, il demande d’ĂȘtre relevĂ© de ses vƓux monastiques. On le fait attendre 2 ans. C’est Ă  cette Ă©poque d’incertitude qu’il compose la fameuse PriĂšre d’abandon : « PĂšre je m’abandonne Ă  toi, fais de moi ce qu’il te plaira ».
Serviteurs de la consolation. Vous le savez, et d’ailleurs vous aimez le chanter, le temps de l’Avent dĂ©ploie ce message de consolation apportĂ© aux affligĂ©s, Ă  ce peuple qui marchait dans la nuit et qui voit se lever une grande lumiĂšre (Is 9,1). « Consolamini, consolamini, popule meus : cito veniet salus tua = Console-toi, console-toi, mon peuple, car bientĂŽt viendra ton salut ». Vous ĂȘtes Missionnaires de la MisĂ©ricorde. Vous le serez de façon toute particuliĂšre comme diacres en saisissant toute occasion pour consoler, rĂ©conforter, encourager, relever. Les Ɠuvres de misĂ©ricorde sont Ă  votre portĂ©e, tant spirituelles que corporelles. Il vous revient de les dĂ©ployer avec grande gĂ©nĂ©rositĂ© pour faire le bien partout oĂč vous passez, comme JĂ©sus. Saint Charles de Foucauld l’écrivit ainsi : « Mon apostolat doit ĂȘtre l’apostolat de la bontĂ©. Si l’on demande pourquoi je suis doux et bon, je dois dire : parce que je suis le serviteur d’un bien plus bon que moi ». Ces mots magnifiques devront rester gravĂ©s dans vos cƓurs, chers petits frĂšres. Le Saint-PĂšre ne cesse de nous le rappeler, comme dans sa derniĂšre encyclique ‘Dilexit Nos’ sur le CƓur de JĂ©sus. Il cite Charles de Foucauld (DN §179) : « De toutes mes forces, je tĂąche de montrer, de prouver Ă  ces pauvres frĂšres Ă©garĂ©s que notre religion est toute charitĂ©, toute fraternitĂ©, que son emblĂšme est un CƓur » ( Lettre Ă  l’abbĂ© Huvelin, 15 juillet 1904)
Votre point d’ancrage, de nourriture, de ressourcement, sera le mĂȘme que pour le bienheureux Charles. Dans le dĂ©sert spirituel, moral et affectif de notre monde, ce sera le tabernacle, la sainte Eucharistie. « Sans moi vous ne pouvez rien faire », dit JĂ©sus Ă  ses ApĂŽtres. C’est d’ailleurs le premier acte que vous allez poser comme diacres aprĂšs vous ĂȘtre offerts en sacrifice avec le pain et le vin Ă  l’autel : vous allez communier au Corps du Christ, ouvrir le tabernacle, distribuer le Pain de vie aux fidĂšles. Et dĂšs demain matin, ce sera l’adoration silencieuse, le cƓur Ă  cƓur avec JĂ©sus comme sainte ThĂ©rĂšse l’affectionnait particuliĂšrement : « Tu sais, moi je ne vois pas le SacrĂ©-CƓur comme tout le monde, je pense que le cƓur de mon Ă©poux est Ă  moi seule, comme le mien est Ă  lui seul et je lui parle alors dans la solitude de ce dĂ©licieux cƓur Ă  cƓur en attendant de le contempler un jour face Ă  face » (Lettre 122, Ă  CĂ©line,14 octobre 1890, citĂ©e dans DN 134).
Entrons dans le temps de l’Avent en serviteurs de l’attente.
Et adveniat regnum tuum !
Amen.

photos : Alain Vignal et Gwendoline Mingasson

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HomĂ©lie Ă  l’occasion de la FĂȘte du SĂ©minaire de l’ImmaculĂ©e Conception

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HomĂ©lie Ă  l’occasion des ordinations diaconales

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HomĂ©lie Ă  l’occasion de La Nuit des TĂ©moins