Pour l’amour du Cœur de Jésus

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Homélie de monseigneur Dominique Rey le 26 juin 2016 (ordinations diaconales et presbytérales)

Le dimanche 26 juin 2016, sous la « cathédrale de verdure » de La Castille, monseigneur Dominique Rey a ordonné 6 nouveaux prêtres et 7 nouveaux diacres. Ce dimanche, en ce Jubilé de la Miséricorde, coïncidait avec la consécration du diocèse au Sacré Cœur de Jésus.

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Pour l’amour du Cœur de Jésus

Il y a près d’un siècle en 1921, Mgr Guilibert, mon prédécesseur recevait une lettre signée Aubert de La Castille, qui léguait au diocèse de Fréjus-Toulon le domaine viticole de la Castille et son château. Mme Aubert écrivait à l’évêque de Fréjus-Toulon en ces termes : « Oui les vocations vont affluer ici ; c’est de La Castille, redevenue la maison du Bon Dieu, qu’il sortira des saints… Je demanderai au Sacré cœur de la bénir. »

La célébration de ce jour nous invite à nous réapproprier spirituellement cet héritage qui est aussi une promesse, une prophétie. A la fin de cette cérémonie d’ordination et en cette année dédiée à la Miséricorde divine, je vais consacrer le diocèse de Fréjus-Toulon au Sacré Cœur de Jésus.

Le culte du cœur de Jésus, disait Pie XII, c’est le culte de l’amour rédempteur. En contemplant à la suite de l’évangile de Jean (chap 19) le côté ouvert du Christ exposé sur la croix en sa Passion, nous vénérons la victoire de l’Amour. Au-delà de tout ce que Jésus a dit et accompli en son existence terrestre, après avoir rendu son dernier souffle, Jésus livre à notre contemplation le symbole récapitulatif et expressif de sa nature et de sa mission, le signe de l’amour, le signe du cœur. Le cœur de Jésus nous rappelle que Dieu est amour, à quel point Dieu nous aime, jusqu’à mourir pour chacun d’entre nous, jusqu’à ouvrir son cœur paternel.

Le curé d’Ars disait que «  le sacerdoce c’est l’amour du cœur de Jésus ». Le chemin vers le cœur de Jésus nous fait découvrir la nature profonde du sacerdoce.

Dans l’évangile de Jean, au moment de la Cène et lors de la trahison de Judas, le disciple Bien Aimé se penche sur la poitrine de Jésus.

Il écoute les battements d’un cœur brûlant d’amour, et en même temps il discerne, dans les pulsations de ce cœur, la blessure de la trahison. A la suite du disciple bien aimé, qui fut l’un des premiers « ordonnés » par Jésus, le prêtre est également appelé à un cœur à cœur avec Dieu.

Le cœur est un organe intérieur et caché. Ainsi le prêtre doit-il entrer quotidiennement dans l’intériorité du Christ pour y recueillir l’amour qui a suscité sa vocation, cet amour qui l’invite aussi à l’imitation de Jésus et qui lui enjoint chaque jour de tout quitter pour le suivre. C’est un cœur qui répond aussi à la trahison en surenchérissant par la miséricorde. « Qui me séparera de l’amour du Christ ? » dira l’apôtre Paul. Au lieu de s’arrêter au péché et de se dissoudre dans le mal, la miséricorde se sert du mal pour manifester en surcroît, la surabondance du pardon de Dieu.

« Le prêtre est l’homme des relations profondes », disait François Mauriac. Le contact personnel, intime du prêtre avec le cœur de Jésus, par l’adoration en particulier, lui donne d’accéder à la source de l’amour trinitaire. Il entre en Dieu pour donner Dieu. Par la porte du cœur de Jésus, il pénètre dans toute l’économie divine, depuis la création du monde jusqu’à sa rédemption dans le Christ, jusqu’à sa sanctification par l’Esprit répandu en nos cœurs. Le ministère du prêtre actualise ainsi tout ce que Dieu a fait et tout ce qu’Il veut encore accomplir. Le prêtre est intendant des mystères du Christ.

La juste position du prêtre est de se tenir près du cœur de Jésus, un cœur doux et humble comme le rappelle l’évangile de Matthieu.

  • Doux, car il laisse l’Esprit-Saint agir en lui sans retour sur soi.
  • Humble, car il laisse le Seigneur passer devant lui.

Le disciple Bien Aimé est entré dans l’intimité avec Jésus au moment de la célébration de la Cène, juste après le geste diaconal du lavement des pieds. Oui, c’est par le service des frères et c’est par l’eucharistie que le prêtre devient non seulement alter Christus mais ipse Christus, pas seulement un autre Christ mais le Christ lui-même. Il s’identifie au Christ ; le voici configuré au Christ, tête de son corps qu’est l’Eglise, et serviteur de ses frères jusqu’à la perte de soi. « Ce n’est pas moi qui vis mais c’est le Christ qui vit en moi », dira l’apôtre Paul.

Suivons encore le disciple bien aimé jusqu’à la Croix pour découvrir avec lui, aux côtés de la Vierge Marie, la mère de Jésus, aux côtés de Marie-Madeleine, Apôtre des Apôtres, la pécheresse pardonnée (dont les reliques se trouvent aux pieds de cet autel), pour contempler le cœur transpercé de l’Agneau pascal immolé.

A la Croix, le cœur de Jésus s’entrouvre pour accueillir, par la lance romaine qui le perfore, toute la détresse, tous les péchés des hommes. Il répand en retour l’eau et le sang (Ez 47), symboles des sacrements de l’Eglise, du baptême et de l’eucharistie, mais il répand aussi le pardon de Dieu. Comme le prédisait le prophète Ezéchiel « du temple nouveau va jaillir une source qui purifie et rénove. »

« Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Les ultimes paroles de Jésus en croix traduisent la miséricorde accordée par Dieu à une série « de bras cassés  » : un traitre : Judas, un renégat : Pierre, une prostituée : Marie-Madeleine, un bandit de grand chemin : le bon larron… et une série de disciples poltrons qui ont pris la poudre d’escampette. Dieu se sert de ce qui est le plus vil et de plus bas pour ramener l’homme jusqu’au plus haut, jusqu’au Très-Haut, jusqu’au ciel, jusqu’en la gloire éternelle du Père. Le cœur à cœur de la contemplation conduit au corps à corps eucharistique. A la table eucharistique, on se nourrit du corps du Christ afin de pouvoir soutenir le corps meurtri de nos frères et sœurs par la diaconie.

Face à toutes les souffrances qui traversent le monde en commençant par les siennes, le prêtre dispense en retour la grâce qui coule du côté ouvert de Jésus. Il déverse la miséricorde divine qui est la seule vraie réponse au mal, la réponse cinglante, sanglante face au péché. Car la première misère de l’homme est celle de son péché : en perdant Dieu, l’homme se perd lui-même, il cède à ses fantasmes, il se croit tout permis, il prend la place de Dieu pour finalement tomber plus bas que terre.

La seule réponse au mal se trouve dans la grâce de Dieu dont le prêtre est le ministre. Et pour la répandre sur tout l’humanité, il doit se tenir constamment près de la Croix, mais aussi sur la Croix : « Un glaive te transpercera le cœur ». La prophétie de Siméon adressée à la Vierge s’adresse aussi au prêtre. Il doit « compléter en sa chair ce qui manque à la Passion du Christ ». Le cœur blessé de Jésus appelle ce que la tradition de l’Eglise nomme la réparation. Le Seigneur fait participer ses pasteurs, non seulement à la récolte mais aussi au labeur de la Passion. « L’âme est comme la chair, il faut qu’elle soit déchirée pour être féconde », disait Marthe Robin.

Oui, le cœur du prêtre est transpercé, déchiré par ses propres péchés, déchiré en raison de ce grand écart entre ce qu’il devrait être comme modèle du troupeau et ce qu’il est vraiment, « un pauvre type », comme le disait le curé d’Ars ; déchiré parce qu’il partage le fardeau et la douleur de tant d’hommes et de femmes confiés à sa sollicitude, déchiré aussi parce qu’il communie à la souffrance du Christ « qui reste en agonie jusqu’à la fin du monde » (Blaise Pascal). La fidélité du prêtre le pousse à se donner au Christ et aux autres toujours davantage, jusqu’au bout.

Oui, le prêtre doit consentir à la brisure de son propre cœur, fractionné comme l’hostie. Si son cœur n’est pas transpercé, l’amour de Dieu ne s’accomplit pas pleinement en lui. Sa charité pastorale appelle l’oblation.

Après l’intimité du cœur à la Cène, après la blessure saillante du côté de Jésus à la Croix, les Actes des Apôtres évoquent un troisième lieu du cœur : le Cénacle.

Les apôtres autour de Marie ne « formaient qu’un seul cœur ». St Luc ne nous dit pas que dans la communauté de Jérusalem, les désaccords n’existaient pas. Bien au contraire, il souligne à plusieurs reprises les divergences d’opinion et de caractère entres les apôtres. Mais ils se sentaient tous solidaires du salut apporté par le Christ. Tous appelés, tous envoyés, pour porter ensemble le témoignage de l’Evangile : « qu’ils soient parfaitement un, comme toi et moi nous sommes un  » avait dit Jésus dans son discours d’adieu. «  Ayez les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus » exhortera Paul aux Philippiens… car, ajoutera-t-il, « le Corps se construit dans la charité. » (Eph 4-16)

Cette union des cœurs dans le cœur du Christ, par le cœur du Christ, le prêtre en est le garant et l’artisan. Il est l’homme de la communion. Communion au Christ qui donne accès à la communion trinitaire ; communion à l’Eglise, sacrement du salut et de l’unité du genre humain dont le prêtre est le serviteur ; communion avec tout l’homme, avec tout homme à l’image du Bon Samaritain qui prend soin et accompagne celui qu’il trouve à moitié mort pour le conduire jusqu’à cette auberge, figure de l’Eglise, où le Christ a payé d’avance le prix de notre rachat ; communion que le prêtre célèbre à chaque messe et à chaque sacrement de réconciliation.

Non, le prêtre ne s’appartient plus. Il est à tous ses frères et sœurs, comme le Christ est à chacun. «  Les âmes des fidèles et l’âme du prêtre ne sont pas des âmes au pluriel, mais elles sont une seule âme, l’âme unique du Christ » (lettre 243), disait St Augustin. La joie du prêtre est celle du bâtisseur qui édifie le Corps du Christ pour que tous puissent y demeurer.

« L’amour n’est pas aimé », se plaignait Jésus à Ste Catherine de Sienne. L’amour rencontre « l’indifférence et le mépris », surtout de la part de ceux et celles qui lui sont consacrés, confiera Jésus à Ste Marguerite-Marie, (dont les reliques sont aussi exposées au pied de l’autel).

Chers frères et sœurs, en vous confiant cet après-midi ces 6 nouveaux prêtres et ces 7 nouveaux diacres, pour l’annonce de l’Evangile, priez le Seigneur que la folie de l’amour incendie leur existence, la retourne. Que le Seigneur leur accorde un cœur paternel et miséricordieux totalement disponible pour l’annonce de l’Evangile.

En les consacrant au Cœur du Christ, en nous consacrant personnellement à son divin Cœur, en consacrant le diocèse de Fréjus-Toulon, demandons au Seigneur de nous livrer radicalement à l’amour miséricordieux du Seigneur afin que cet amour se réfracte, se diffuse tout autour de nous pour conduire de plus en plus d’âmes à Dieu.

+ Dominique Rey
Messe au Séminaire de La Castille (Solliès-Ville)
19 mars 2016

 

 


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