L’urgence de l’évangélisation

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Je suis heureux de me retrouver ici au milieu de vous pour parler des cellules d’évangélisation : les propositions, les modalités expérimentées dans bien des lieux, d’abord en Italie, puis en France et dans d’autres pays portent des fruits tout à fait appréciables dans l’ordre de la transmission de la foi et de la construction des communautés chrétiennes.

Il y a effectivement aujourd’hui des grandes interrogations pour l’Eglise. Dans un contexte d’individualisme, de pluralisme religieux, d’indifférence, de sécularisation des formes de marginalisation de l’Eglise : comment l’Eglise aujourd’hui peut adresser au monde, qui est le nôtre, la parole de Dieu manifestée en Jésus-Christ, parole de vie dont le monde a besoin ? C’est l’enjeu pour l’humanité, et pour notre propre identité, puisque nous sommes, de par notre baptême des » êtres missionnaires ».

C’est une question importante qui est au cœur du message que le Saint Père a adressé à l’ensemble de l’Eglise en parlant de nouvelle évangélisation. Les évêques en France, avec le rapport Dagens évoquent une proposition de la Foi : passer d’un christianisme d’héritage à un christianisme de témoignage et d’amour. Et à la dernière assemblée de Lourdes, lorsque l’on a abordé la question de la catéchèse et du mariage, cette question est revenue. Comment aujourd’hui trouver des procédures, des démarches, des parcours qui fassent foi à cette dynamique de l’évangélisation ? On sacramentalise des personnes qui ne sont pas profondément évangélisées, qui n’ont pas fait l’expérience du Christ, qui ne sont pas entrées dans l’intelligence de la foi que donnent le Christ et son Eglise.

Il nous faut parler d’urgence et d’effort : effort de l’Eglise universelle, effort aussi de notre Eglise de Fréjus-Toulon. De multiples chantiers ont été ouverts : un Institut missionnaire a été créé. Son but est de proposer une formation missionnaire aux chrétiens, afin de les aider à passer de la situation de consommateurs ou d’usagers à celle d’acteurs. Cet institut missionnaire a aussi pour vocation de développer des missions itinérantes dans les paroisses du Var.

Je voudrais insister sur la manière aujourd’hui de concevoir l’’évangélisation. Pour beaucoup de chrétiens, évangéliser, c’est l’affaire des missionnaires, des spécialistes. L’évangélisation serait réservée aux autres ! Nous connaissons si peu notre foi et notre doctrine chrétienne et puis, nous sommes peu capable de communiquer ce qui nous fait vivre. Il est difficile de trouver les mots justes et les bonnes expressions, alors nous défions certains, mieux qualifiés, d’assumer cette tâche si noble. On s’exempte à bon compte de cette responsabilité. Aujourd’hui, l’Eglise est sommée d’être missionnaire comme jamais elle ne l’a été. Nus devons être chrétien jusqu’au bout. Les temps qui sont les nôtres ne supportent plus les demi-mesures. Il faut choisir son camp. Nous voulons choisir le camp de la mission et de la proposition de foi.

Cette mission, quelles en sont les étapes ? Comment devenir missionnaire ? En effet, la première personne à évangéliser, c’est moi-même, c’est notre propre évangélisation qui constitue le préalable à la mission que nous recevons du Christ. Le Christ en effet nous demande d’’abord une conversion profonde à sa présence et à sa vie. Les chrétiens sont invités aujourd’hui à un engagement, à une prise de conscience et à une détermination pour le Christ. Cette option est fondatrice de toute la mission.

L’Evangélisation de soi, c’est laisser le Christ habiter profondément notre vie et d’abord notre cœur. Adhérer à cette présence du Christ dans toutes les dimensions et dans toutes les zones de notre être. Le christianisme n’est pas simplement à pratiquer une heure par semaine, ou rapidement au terme d’une journée bien occupée par une prière un peu somnolente avant de s’endormir. Le christianisme est à vivre dans toutes les dimensions de notre humanité.

L’évangélisation passe par une expérience personnelle du Christ, une rencontre avec le Ressuscité qui vient illuminer de sa présence notre cœur au plus intime de nous-même, et puis une évangélisation des autres composantes de notre vie : de nos émotions, de notre sensibilité, de notre corps, de notre intelligence, de notre manière de penser notre vie, de considérer le monde, une évangélisation de notre regard sur les autres. A partir d’une expérience première du Christ que l’on rencontre et qui chemine avec nous, comme il a cheminé avec les disciples, nous voici conduit à une christianisation de nous-même. C’est pour cela, que le Christ a pris ce temps précieux de trois années de ministère. Ce ne fut pas simplement pour réaliser les œuvres extérieures, mais pour former les communautés de disciples afin qu’ils apprennent le Christ en vivant avec Lui, en demeurant en sa présence ; Cette première étape est décisive et fondamentale si nous voulons que nos paroles ne soient pas seulement des convictions intellectuelles ou une morale, mais une vie partagée. Encore faut-il que nous soyons nous-même habité par cette présence : le Verbe s’est fait chair. Le Verbe vient en nous.

L’évangélisation : un lâcher prise Cette évangélisation commence par une défaite, un lâcher prise. Dans notre contexte très activiste et rationaliste, notre tentation consiste à vouloir orienter nous-même notre vie. Comparons cela à l’histoire d’un automobiliste : Nous sommes en voiture, et une personne fait de l’auto stop. En réalité, c’est le Christ que nous prenons dans notre voiture. Nous pouvons lui demander conseil sur l’itinéraire, sur la direction à prendre. A un moment, au gré d’une confidence, il nous dit : « arrête-toi » et « je vais te faire une proposition, et il ajoute « c’est moi qui vais prendre le volant et toi, tu vas t’installer sur le siège du passager ». Il y a un moment dans notre existence où nous cédons le pilotage, nous passons les commandes. C’est Lui, le Christ, qui dirige alors notre vie et, qui va nous permettre ainsi de réaliser bien plus que ce que nous pensions ou imaginions. « Quelqu’un te conduira là où tu ne voulais pas aller ». Tout commence par une défaite : la défaite de notre autonomie, de notre volonté d’indépendance, de la maîtrise absolue de nous-même. Le Christ devient alors le maître de notre existence et le Seigneur de notre vie.

Considérez la manière dont Jésus lui-même a accueilli ses disciples, les a rencontrés dans leur histoire propre. Pensons à Matthieu, aux pécheurs au bord du lac de Galilée. Jésus les a surpris dans leur travail, dans leurs préoccupations, parfois dans leurs idéologies, eux qui attendaient un messianisme politique ou une libération physique. Jésus rencontre les personnes individuellement dans le caractère tout à fait familier de leur histoire sainte. J’aime beaucoup ce geste où des personnes au moment de la procession de communion, ouvrent leurs mains, comme des mendiants, pour accueillir la présence sacramentelle du pain de vie. Ils rencontrent, nous rencontrons le Christ comme des pauvres, les mains nues, disponibles. Alors, le Christ peut faire son travail.

A partir de cette rencontre première, nous voici intégrés à un « corps » qui est l’Eglise. St Marc, au chapitre 3, nous dit que Jésus en institua 12. La première vocation du disciple, nous rappelle cet évangile, c’est d’être avec Jésus, « être avec Lui » pour être avec lui, pour vivre en sa compagnie. Ensuite, ils pourront aller prêcher. L’intimité en vue de l’apostolat. Mais cet apostolat doit être vécu comme un moment communautaire. Il en choisit 12. De même, Jésus envoya ses disciples « deux par deux » et au terme de sa mission terrestre, il leur dira « allez, je vous envoie annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations. Baptisez les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ».

L’évangélisation est une œuvre communautaire, la mission est portée par une communauté. Quand il n’y a pas une communauté, un corps, la mission n’est pas possible. Nous parlons toujours de communauté paroissiale, mais reconnaissons à regret qu’elle n’est pas toujours une communauté, mais bien souvent, il s’agit d’un ensemble de personnes qui ne se connaissent pas et qui viennent participer isolément. Mais trop rarement, cette existence concrète des chrétiens signifie réellement cette vie de communauté. Une communauté n’ayant qu’un seul cœur, vivant du partage des richesses et des biens matériels et spirituels, assidue à l’enseignement des apôtres (cf. actes des apôtres ch 2). C’est à partir du moment où cette expérience personnelle devient une expérience communautaire que l’Eglise prend corps en nous et que nous sommes associés à ce Corps, par le don de l’Esprit, qui fait la communion entre les membres pour les unir les uns aux autres, à la construction de ce corps qui a pour tête, le Christ.

Evangéliser, c’est entrer dans ce Corps, être incorporé à l’Eglise. Nous voyons combien, au moment de la création de l’homme, ce dernier est placé dans un paradis, un endroit clos, protégé, un espace de communion. C’est cela l’Eglise, de verts pâturages qui nous sont donnés au cœur du monde, afin que se constitue une communauté de foi. J’apprécie cette récitation du « je crois en Dieu » mais récitée ensemble. C’est dans cette confession de foi, non pas simplement exprimée du bout des lèvres mais du fond du cœur que l’on récite debout, c’est-à-dire en être ressuscité que se constitue ce Corps qu’est l’Eglise. Communauté croyante, communauté confessante. La confession au sens étymologique, c’est dire la foi. C’est en la proclamant les uns aux autres, qu’elle nous rassemble dans cette communauté d’appartenance et d’alliance.

Evangéliser, c’est d’abord, je l’ai dit, rencontrer le Christ, c’est le laisser entrer dans toutes les parties de notre vie et même les plus obscures. Evangéliser, c’est, à l’écoute de ce que Jésus lui-même a vécu, le suivre pas à pas. Jésus a parcouru différents espaces de vie qu’il a évangélisés les uns à la suite des autres. Jésus tout petit enfant va rencontrer sa famille, la Sainte famille, Marie et Joseph. Le premier lieu que les chrétiens ont à évangéliser, c’est la famille, institution sociale où s’apprend le vivre ensemble. Quand une société est composée de familles fracturées, elle est devient vulnérable. Il ne suffit pas de naître à la vie, il faut naître à l’humanité. La famille est un lieu d’apprentissage de cette humanité, apprentissage du langage, de la relation, de la confiance, du respect de soi et des autres, des règles de la vie, de la grammaire de l’existence. La famille est fondatrice du lien social. Et dans notre société, où il y a un tiers de divorces, où nous avons des familles décomposées, recomposées, l’évangélisation de la famille est une des premières tâches que nous avons à réaliser. En effet, chaque famille est une icône du mystère même de Dieu : le Père, le Fils et l’Esprit. Le Dieu Trinité se donne à voir dans le mystère de la famille en laquelle chaque être humain fait l’expérience d’une paternité, d’une maternité, de l’épousaille , quand un homme et une femme se donnent l’un à l’autre, rendent leur amour fécond grâce aux enfants qu’ils reçoivent de Dieu.

Evangéliser la famille, est une des priorités que le Pape Jean-Paul II dans Familiaris Consortio ne cesse de répéter, l’Eglise a quelque chose d’unique à transmettre à la société de notre temps pour la rédemption de la famille, et sa reconstruction. En quelque sorte, Dieu a confié à l’homme la responsabilité, par la famille, de garantir un amour stable, durable, vécu dans la fidélité et dans le don de soi. Dieu a confié à l’homme la responsabilité de transmette la vie qu’Il donne, mais qui a besoin d’un amour humain pour être comme le vecteur de sa communication et de sa diffusion. Dieu lui-même a voulu passer donner à Jésus une existence humaine en le confiant à sa famille de Nazareth. Cette expérience originelle du Christ est pour nous une référence absolue parce que Dieu, en son Fils, est entré dans la famille. Il nous demande d’accueillir la famille comme le lieu par lequel nous pouvons entrer en Dieu, communiquer avec lui.

La famille a besoin d’être évangélisée. Que veut dite le verbe « aimer » ? L’amour ne s’apprend pas dans un livre. Il faut l’éprouver dans un lieu, dans un espace, le donner à vivre et à voir. Personnellement, c’est en voyant mes parents s’aimer que j’ai découvert la profondeur de l’amour chrétien et son mystère. J’ai reçu d’eux, un amour affectif, mais profondément pénétré d’évangile. Je me rappelle mon père priant une heure par jour, le matin à genoux, avant d’aller au travail, aller chaque jour à la messe. La maison familiale était souvent remplie de mendiants ou de sortants de prison. C’est en voyant et en vivant cette expérience là, que j’ai compris le sens de l’amour chrétien, tout autant qu’au catéchisme.

L’évangélisation de la famille est un bien social. La société a besoin de familles équilibrées, joyeuses, épanouies et pénétrées de valeurs évangéliques. Jésus a non seulement rencontré des familles mais aussi des pauvres.

L’évangélisation est aujourd’hui indissociable de la rencontre avec le pauvre. Un jour, j’ai eu la joie de déjeuner avec Mère Térésa. Je me suis risqué à cette question, « pourquoi Dieu aime-t-il tellement les pauvres ? » Elle m’a fait cette réponse : « because they are free », « car ils sont libres ». Le pauvre a quelques chose à nous transmettre du mystère même de Dieu, c’est sa liberté. Je ne dis pas misère, je dis pauvreté. La misère est dégradante et aliénante. A propos de l’Eucharistie, j’évoquais ces mains nues et libres qui reçoivent le Pain de Vie. Le pauvre nous invite nous-même à nous appauvrir. Nous recevons du pauvre cette pauvreté de cœur dans ce monde, où l’on existe qu’en possédant égoïstement. Jésus a un amour de prédilection pour les pauvres. Nous savons aujourd’hui, combien l’Eglise insiste sur cette dimension de l’annonce de la Bonne Nouvelle « aux pauvres ». C’est la réponse que Jésus fera lui-même aux envoyés de Jean-Baptiste : « la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». L’Esprit-Saint est le père des pauvres, et notre regard chrétien est comme celui du Christ, immédiatement captivé en priorité par toutes les formes de pauvretés matérielles, morales, affectives. Par exemple aujourd’hui, à Paris, 43% des adultes sont célibataires. L’isolement est aussi une cruelle pauvreté. Il nous faut évangéliser les pauvres. Et le très pauvre est comme une coupe disponible. Quand une personne a verrouillé toutes ses sécurités, elle peut difficilement se laisser gagner par une proposition de foi. Son cœur est trop encombré. C’est dans les situations où l’on manque matériellement, affectivement, psychologiquement , que d’une certaine manière, il y a une prise de conscience d’une pauvreté encore plus profonde. C’est la soif de la samaritaine qui est avivée, purifiée et recentrée sur Jésus, le véritable époux qu’elle cherchait et qu’elle n’avait jamais, jusqu’alors, rencontré.

Jésus rencontre une famille : Marie et Joseph. Jésus rencontre les pauvres et il va rencontrer les mages, que l’on pourrait authentifier aujourd’hui à tous ceux qui sont porteurs d’attentes spirituelles. Notre monde parce que très matérialiste , parce coupé des valeurs et références spirituelles est à la recherche de sens, et l’on voit la foule se précipiter vers les gourous. Jésus se présente à ces chercheurs de Dieu qui viennent de très loin, guidés par une étoile. Jésus se présente à eux. Il habite leur recherche et les guide par des signes diffus : une étoile !

Jésus veut en nous et à travers nous, évangéliser notre prière et je rapporterai cette évangélisation de la prière à la Présentation de Jésus au Temple, le lieu de la prière. Tant de femmes et d’hommes aujourd’hui prient sans connaître Celui qui est le centre de notre prière. De par le monde, il y a des prières qui ne rencontrent pas Dieu car elles ne le connaissent pas, même si elles montent vers Lui avec générosité t profondeur. Notre responsabilité de chrétiens, c’est d’évangéliser la prière. La prière chrétienne est une prière adressée au Père, conduite par l’Esprit. Ce n’est pas n’importe quelle référence à Dieu. Jésus lui-même , sur la demande de ses disciples leur a appris à prier, à l’exprimer par des mots précis qu’il a lui-même utilisés. Il faut christianiser la prière, et apprendre à nos contemporains et à nos enfants la vraie prière chrétienne qu’agrée le Père. Pas seulement savoir qu’il faut prier, mais savoir comment il faut prier. « Seigneur, apprends-nous à prier » : « Quand vous priez, dites « Notre Père » ».

Jésus veut aussi rejoindre, à travers nous, l’intelligence de notre monde. On pourrait rapporter ici l’épisode du recouvrement de Jésus. Jésus au Temple parle aux Docteurs de la loi. « Il les écoute et les interroge » rapporte l’évangéliste Matthieu. L’intelligence requiert à la fois l’écoute et le questionnement.

L’évangélisation se rapporte aux grandes idéologies ou aux absences d’idéologie. La foi vient sauver la raison humaine dans ses balbutiements et ses hésitations. Le Pape Jean-Paul II a développé ce thème dans « Foi et Raison ». La foi, en quelque sorte, fait la courte échelle à la raison, pour lui permettre d’accéder à l’inaccessible, à un objet qu’elle ne peut saisir, à une rencontre dont elle éprouve le besoin et la nécessité mais qui la dépasse.

En effet, la foi ce n’est pas seulement un cri du cœur, un enthousiasme, une expérience mais une intelligence, une manière de comprendre le monde et de se comprendre soi-même. Dans la Tradition de l’Eglise, fondée sur l’Ecriture, mais aussi par le travail de l’Esprit, grâce à la prière des saints et au travail des chercheurs de Dieu, dans leur recherche théologique, cette sagesse se communique jusqu’à nous. Je suis très frappé de voir en rencontrant des amis protestants me dire : « vous avez quelque chose d’extraordinaire, un patrimoine, un héritage de connaissances sur le mystère de Dieu qui dépasse simplement la transmission plus ou moins littérale de l’Ecriture ». Je comprends cette sagesse comme une caisse de résonance qui nous communique la Parole de Dieu approfondie, enveloppée, enrichie, grâce à ce patrimoine multiséculaire. La sagesse des saints, des Pères de l’Eglise, des priants et de ceux qui ont été saisis par l’esprit de sagesse se présente à nous comme un écrin dans lequel brille la Parole de Dieu. Oui, Jésus vient nous montrer que l’évangélisation passe aussi par un apostolat de l’intelligence. Notre monde a soif de connaître, de comprendre et de discerner la Vérité du monde et de la Vie. L’Esprit de sagesse et d’intelligence purifie et affine cette connaissance et l’oriente vers Dieu. Ce n’est pas étonnant que dans les monastères qui sont voués à la contemplation, il y ait des grandes bibliothèques, non pas pour avoir des occasions de distraction, mais afin de nourrir la prière et la vie spirituelle. L’intelligence des choses spirituelles conduit à la contemplation et l’alimente.

L’évangélisation, à la suite de Jésus, nous aussi à nous approcher de tous ceux qui sont malades. Nous voyons Jésus dans son ministère public, évangéliser les malades, ceux qui sont victimes et otages de la souffrance. Jésus rencontre des formes de déséquilibres psychiques, de paralysie, d’aveuglement. Ces malades voient, marchent, se remettent debout, redeviennent des hommes libres, capables de réintégrer une communauté humaine. Ils ne sont plus marginalisés, isolés et désespérés. Aujourd’hui, la mission doit nous amener à découvrir cette dimension thérapeutique de la foi. Nous disposons de tout un arsenal curatif, extrêmement précieux et large, (les sacrements, les sacramentaux, la prière, la vie fraternelle, l’exorcisme, la lecture spirituelle et avant tout la Parole de Dieu) pour guérir de ces maladies de l’âme qui affecte l’homme d’aujourd’hui et l’empêche d’être et d’être libre. L’œuvre de Jésus est une œuvre de libération par rapport à toutes les formes d’oppression qui nous viennent du péché originel, et qui passent par une connivence plus ou moins secrète de compromission avec le mal, parfois jusqu’à la possession démoniaque. Il nous faut, dans l’évangélisation de notre monde, des pasteurs qui connaissent les maladies et leurs systèmes et proposent les bons remèdes grâce à un discernement pastoral et spirituel porté par la prière.

L’évangélisation de Jésus n’a pas de limites ! Il est allé à la rencontre de toutes les formes d’humanité. Regardez la manière dont il s’est approché des enfants : « le Royaume est à ceux qui leur ressemblent ». En regardant un enfant, Jésus considère l’enfant qu’il est toujours devant le Père, et chaque enfant rencontré en Palestine lui a rappelé sa filiation vis à vis du Père. L’enfant nous apprend l’émerveillement et l’espérance, à nous qui avons le regard usé et habitué. Jésus a évangélisé l’enfance. Jésus a évangélisé les femmes à une époque où elles étaient marginalisées, Il a évangélisé les étrangers (la Samaritaine) et ceux qui étaient mis au banc de la société (les publicains et les prostituées). Jésus a évangélisé en apportant la Bonne Nouvelle aux malades, handicapés, grabataires, mal portants. Il s’est approché d’eux sans restriction et avec audace.

Jésus nous invite aussi à évangéliser la mort, la culture de mort dans laquelle nous baignons. Jésus s’est approché de la mort (devant son ami Lazare, il l’a côtoyée, il lui a fait face). Au Golgotha, il a pénétré dans cette mort, lui le Prince de la Vie. Il l’a vaincue le troisième jour en sortant vivant du tombeau, un matin de printemps. « Il faut que le grain tombe en terre et qu’il meure pour porter du fruit ». A la suite de Jésus, le premier évangélisateur, l’évangélisation va jusqu’à cette perte de soi. Jésus a rencontré la mort. L’évangéliste, le missionnaire doit accepter de mourir à lui-même pour entrer jusqu’au bout dans cette mission qui le saisit tout entier car il doit le payer au prix de sa vie. Pour pouvoir vivre cette mission, pas simplement comme une proclamation extérieure, avec des moyens, des techniques et des méthodes élaborées, mais comme une fécondité, une œuvre spirituelle de salut. C’est en donnant sa vie, qu’on la trouve. C’est la logique du sacrifice et du don de soi vécu à la suite du Christ et en son nom. Il y a en Dieu, une infinie patience mais aussi une impatience. On peut parler de l’impatience de Dieu quand out au long de sa vie, saisi par une impatience, on parle de l’impatience de Dieu « quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Cette impatience devient angoisse à Gethsémani. Angoisse du salut du monde. La grande tentation du Christ sera de penser que son sacrifice ne sert à rien, que le don de sa vie a été inutile parce que l’humanité a les yeux bouchés, les oreilles closes et qu’elle reste indifférente. Il nous faut nous laisser gagner par cette passion du Christ, par cette sainte impatience et ce zèle amoureux qui conclut d’ailleurs le livre de « Viens Seigneur Jésus », Nous considérons le chemin qu’il nous reste à parcourir en regardant le Christ et en essayant de faire, avec ce que nous sommes, nos limites et nos fragilités : « Viens, Seigneur Jésus ». Notre évangélisation n’est pas simplement mémoire, mais promesse, attente, désir pour que toute l’humanité soit transfigurée dans le mystère de l’Eglise par Celui qui est déjà là et qui « vient ». C’est l’Esprit Saint qui suggère à notre cœur le désir de cette attente, qui est prière et mission.

Puissiez-vous être embrasés de ce même désir missionnaire. Il est source de joie. Il n’est pas de plus grande joie pour un missionnaire que de donner le Christ à temps et à contretemps : « Malheur à moi, si je n’évangélise pas », clamait Saint Paul. Cette transmission de la foi nous fait entrer dans le mystère pascal de Jésus qui fait passer le monde vers le Père.

+ Dominique Rey
Evêque de Fréjus-Toulon

 


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