Homélie de Mgr Touvet – Messe du dimanche de la Miséricorde à Saint-François de Paule

Mgr Touvet-homélie
Chers frères et sœurs,
Nous achevons aujourd’hui l’Octave de Pâques qui nous aura permis de plonger au cœur de notre foi chrétienne, de goûter la richesse du mystère du salut en Notre Seigneur Jésus mort et ressuscité. Dans toutes les paroisses, dans la vôtre, des catéchumènes ont été conduits à la fontaine baptismale et y ont été lavés de leurs péchés, régénérés, recréés. Ils sont renés. « Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts » (Rm 6). Parmi nous aujourd’hui, en ce Dimanche in albis, ces jeunes frères et sœurs chrétiens, qu’on appelle néophytes, nouveaux-nés, encore habillés de blanc, nous aident à accueillir cette grâce insondable de la vie que Dieu nous donne par son Fils Jésus. L’Église s’est enrichie et embellie de leur présence, et leur doit un accompagnement plein de bienveillance et d’attention, leur offrant aussi les repères dont ils ont besoin pour marcher à la suite du Christ. Le Dimanche est le premier jour de la semaine parce qu’il est le premier jour de la création nouvelle, le jour de la victoire de Dieu sur le péché et la mort. C’est en ce jour que nous puisons à la source, le Cœur miséricordieux de Jésus, toutes les grâces nécessaires.
Je suis heureux en ce dimanche de la miséricorde de visiter votre paroisse, non seulement parce que c’est le Jour du Seigneur tout simplement, mais aussi parce que ma visite s’inscrit dans une vaste visite pastorale de toutes les paroisses du diocèse, de dimanche en dimanche – c’est réservé jusqu’en janvier 2025 – et cela comble mon cœur de pasteur. C’est aussi l’occasion pour moi de vous manifester de façon concrète la miséricorde de notre Dieu, la bienveillance des pasteurs de l’Église. Il n’y a pas de fidèles à part ou de côté ou en marge. Nous devons tous travailler à la communion de l’Église qui s’enrichit de tant de diversités, nous devons tous aussi apprendre l’obéissance à l’Église « Mater et Magistra ». Et enfin, ce dimanche de la miséricorde est la fête de nos chers missionnaires de la Miséricorde Divine qui assurent pour vous le ministère de la prédication, de la sanctification et du gouvernement pastoral dans cette paroisse personnelle. Sachez que, dans le cadre des missions que m’a confiées le Saint-Père, je suis très concentré sur les questions qui les concernent et que je veille sur eux avec « amour et vérité » « misericordia et veritas » selon ma devise épiscopale, tant sur le ministère des prêtres que sur l’avancement de la formation de ceux qui aspirent aux Ordres Sacrés.
Il nous faut nous demander ce matin comment l’expérience de l’apôtre Thomas peut nous éclairer et nous permettre de grandir encore dans la foi. En fait, nous sommes tous, chacun, un Thomas. D’ailleurs Thomas signifie « jumeau ». De qui est-il le jumeau ? Nous n’en savons rien. Mais nous pouvons affirmer qu’il est notre jumeau à chacun. Nous nous reconnaissons en lui dans sa rencontre avec le Seigneur Jésus ressuscité.
Première ressemblance :
Jésus vient à sa rencontre alors que les portes sont fermées. Nous-mêmes sommes rejoints par le Seigneur dans la réalité de notre vie. Nous pouvons nous installer dans une certaine routine, dans nos habitudes, nos certitudes. Et notre cœur peut alors se fermer comme une porte. La porte peut être verrouillée à double tour, ou seulement repoussée doucement. L’examen de notre conscience nous permet de discerner comment notre cœur est fermé à la venue de Jésus : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt à la place des clous et ma main dans son côté, je ne croirai point ». Nous pouvons aussi repérer comment la porte de notre cœur peut s’ouvrir ou non : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Chacun voit bien ce que je veux dire. C’est vrai pour moi aussi d’ailleurs. Notre cœur s’ouvre et se ferme. La grâce et la miséricorde, elles, se donnent sans cesse, et toujours en abondance. Le Cœur de Jésus a été transpercé, il ne se ferme pas, il déverse une source, un torrent d’amour dans nos cœurs, pourvu que notre cœur s’ouvre, lui. Nous sommes les jumeaux de Thomas parce que notre cœur ressemble au sien : un cœur pauvre et fragile, qui peut, avec la grâce de Dieu, devenir un cœur enflammé et rayonnant de foi et de bonté.
Il y a une deuxième ressemblance entre nous et Thomas :
Nous recevons la révélation de la miséricorde par les blessures du crucifié : « Mets ici ton doigt, et regarde mes mains ; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté ». Les stigmates de Jésus rappelées tant sur les pierres d’autel que sur le cierge pascal sont les plaies par lesquelles le sang de Jésus est versé et vient nous purifier. Il est beau de contempler les saintes plaies de Jésus, de s’en approcher, et d’y mettre notre doigt, notre main. En faisant ainsi, nous mesurons l’infinie grandeur de l’amour de Dieu pour nous, cet amour qui l’a conduit à s’offrir lui-même en sacrifice sur la croix pour le pardon des péchés. Spontanément, nous n’allons pas vers les blessures, vers la souffrance. Jésus nous y invite pourtant, non pour nous y complaire dans un sentiment doloriste désordonné, mais pour nous laisser toucher par son infinie tendresse, sa miséricorde. En regardant son cœur blessé, en entrant en contact avec les blessures de Jésus, nous accueillons en nous cet amour infini qu’il nous a révélé par sa mort sur la Croix. C’est justement ce que nous célébrons dans la sainte Eucharistie. Là, dans le sacrifice de la messe, nous sommes autant au pied de la croix que devant Jésus qui nous dit « Paix avec vous », « recevez l’Esprit-Saint ». L’apôtre Pierre nous le dit bien : « C’est par ses blessures que nous sommes guéris ».
Enfin, troisième ressemblance avec notre jumeau, Thomas :
Jésus nous conduit à la foi, comme lui. Les néophytes nous le rappellent en ces jours. La foi est un don. Ce n’est pas une construction intellectuelle ou idéologique. C’est l’adhésion de tout notre être à Dieu lui-même qui nous a parlé par son Fils, et aujourd’hui par tant de médiations, en particulier le témoignage des chrétiens ou la sainte liturgie. Suscitant notre réponse libre, le Seigneur Jésus nous invite à le suivre, il nous appelle. Et cela se traduit par des engagements concrets car la profession de foi ne se réduit pas à la proclamation du symbole, le Credo, mais elle doit se traduire dans notre vie quotidienne, nos actions, nos paroles. « Montre-moi ta foi qui n’agit pas – nous dit l’apôtre saint Jacques – ta foi est bel et bien morte » (Jc 2,17). Par sa naissance, par son enseignement, par les miracles accomplis, par sa mort sur la croix, par sa résurrection d’entre les morts,… le Seigneur Jésus nous conduit à la foi, nous rend capable de Le choisir par conviction et adhésion profonde, mais aussi de lui rendre témoignage par une vie donnée comme lui, et par une effusion de miséricorde, de charité, de bonté, de bienveillance, de pardon. « Qui est celui qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? » nous dit saint Jean, nous l’avons entendu dans l’épître.
En nous approchant de la sainte Table pour communier au corps du Christ, blessé, mort, vivant et glorieux, nous recevons la nourriture de notre charité. Demandons la grâce de mériter ce don immense de la vie divine dont nous devenons participants. Que par l’intercession de saint Thomas, notre jumeau, nous puissions grandir encore dans la foi, et trouver la force nécessaire pour donner un témoignage courageux et authentique dans le monde d’aujourd’hui. Regardons les plaies de Jésus, et ouvrons nos cœurs fermés pour recevoir la miséricorde et la tendresse du Seigneur.
Amen.
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