Homélie de Mgr Touvet au pèlerinage des pères de famille

pélédes pères 3

Cotignac
PÈLERINAGE DES PÈRES DE FAMILLE
7 juillet 2024

Chers amis, chers frères et sœurs,

Vous spécialement les pères de famille en pèlerinage, et vous épouses et enfants qui les avez rejoints, « Ma grâce te suffit » (Rm 8,39). L’apôtre Paul nous rappelle sans détour le thème de ce pèlerinage 2024. Il explique cette formule avec les mots qui suivent : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». Nous sommes là devant une logique qui n’a rien à voir avec les logiques mondaines. Dans le monde, ce sont les rapports de force, c’est la quête du pouvoir, c’est le plan de carrière, c’est l’appât du gain, c’est la jouissance de ses propriétés, c’est le primat de l’apparence. On le voit bien dans tous les classements qui sont publiés : les lycées, les hôpitaux, les entreprises, les fortunes personnelles. Rien de tout cela chez saint Paul. Il aurait pu se faire valoir. Certes il se donne en modèle, il exhorte les chrétiens à l’imiter, mais pas lui en fait, le Christ Jésus. Quand il parle de lui, il rappelle son itinéraire peu glorieux et le choix mystérieux de Dieu qui l’a saisi pour en faire un apôtre de l’Évangile. Aucun mérite de sa part. Tout est donné par Dieu à celui qu’il choisit et à qui il confie une mission. Permettez-moi de témoigner ici devant vous que j’en fais l’expérience : chaque jour, dans mon ministère épiscopal, je mesure mes propres faiblesses et la puissance du Seigneur : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ».
Ce constat, si nous sommes capables de le faire humblement et en vérité, nous conduit à contempler le mystère de la croix. À vue humaine, c’est un échec total : cette crucifixion après un simulacre de procès, des tortures en public, un chemin de croix perçant la foule en rage. Jésus ne se défend même pas, pourtant il aurait pu « Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. » (Mt 26,53). Pour les apôtres, c’est une catastrophe, tout s’écroule. Il leur aurait donc menti, il les aurait menés en bateau, nourris d’illusions, eux qui ont tout quitté pour le suivre, et les voilà sans rien, la peur au ventre qu’il ne leur arrive la même chose. D’ailleurs Pierre va renier Jésus 3 fois : « je ne connais pas cet homme dont vous parlez » (Mc 14,71). La croix du Christ s’est éclairée de la lumière de Pâques. Chaque Dimanche, nous célébrons ce grand mystère de la victoire de Dieu sur le péché et sur la mort. Nous contemplons la croix glorieuse de Notre Seigneur, étendard de la victoire, arbre de vie qui donne le fruit de la grâce, trône du Christ Roi de l’univers. Ici à Cotignac, au pied de la croix et dans la lumière du soleil de Provence, nous laissons résonner ces paroles de saint Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». En Jésus qui n’a pas fait semblant de souffrir, d’être angoissé, d’avoir soif, ni même de mourir, c’est la puissance de Dieu qui se déploie. Il est faible, fragile, impuissant, comme tant de victimes de toutes sortes jetées en pâture aux violents et aux injustes. Dans ce drame indescriptible et cette petitesse, Dieu se révèle : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ».
Sur la croix, nous contemplons le prophète de Dieu, la Parole éternelle de vie et de vérité, le Verbe qui s‘est fait chair dans une condition semblable à la nôtre, excepté le péché. Il a porté nos péchés, et il nous en délivre en acceptant de mourir comme un criminel. Les prophètes de l’Ancienne Alliance ont été rejetés. Ce fut le cas de Jérémie par exemple. On a voulu les faire taire, les faire disparaître. C’est ce qui arrive à Jésus. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? Pourquoi la parole de l’Église serait-elle mieux acceptée ? Pourquoi le témoignage des baptisés serait-il bien accueilli ? Pourquoi les évêques n’auraient-ils pas à souffrir ? Pourquoi les familles chrétiennes seraient-elles préservées du dénigrement ?
Chers amis, sous le regard de saint Joseph qui est apparu à quelques pas d’ici, lui le père de la sainte famille, je vous propose 3 acceptations à vivre et 3 moyens à choisir pour faire l’expérience de la puissance de la grâce dans votre vocation d’hommes, d’époux, de pères, de veufs, que tout aille bien pour vous, ou que vous soyez plongés dans des situations de blessure ou d’échec familial.

Accepter l’humilité. On a vite fait de se croire au centre du monde. La recherche des performances nous conduit à vouloir émerger au milieu des autres et par rapport aux autres. Les capacités des uns et des autres sont remarquables et donc remarquées. On peut vite écraser. Les félicitations et les encouragements, parfois tellement artificiels et courtisans, entretiennent cela, tant en famille qu’au travail ou dans les relations sociales. Le chrétien n’échappe pas au piège de la vaine gloire : c’est alors un lieu de conversion pour lui. « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». En nous effaçant devant Dieu, en refusant de prendre sa place – c’était le péché originel – nos prétentions ou certitudes bien masculines ou virilistes se rabattent pour laisser Dieu agir lui-même et révéler son amour à travers nos vies, parfois si trépidantes.

Accepter le mépris et le rejet. Nous l’avons dit au sujet des prophètes. Eh bien, vous êtes des prophètes pour les temps d’aujourd’hui : « C’est à eux que je t’envoie […] qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas – c’est une engeance de rebelles ! –
ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux » (Ez 2,5). Vous les pères de famille, avec votre épouse, vos enfants, ou seul désormais, vous avez vocation à témoigner de la foi, à annoncer l’Évangile, à mettre en valeur une éducation saine et équilibrée qui ne se soumette pas à ce que le Saint-Père appelle « la colonisation idéologique ». Oui, vous allez prendre des coups. C’est déjà fait sans doute. Accepter de connaître et d’affronter la violence qui refuse la vérité et qui met l’homme au-dessus de Dieu, c’est accepter de ressembler à Jésus « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté, sa maison » (Mc 6,4), c’est aussi entrer dans le combat décrit par saint Paul : « je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice ». Le combat de Dieu n’a pas d’autres armes que la charité et la foi.

Accepter la ressemblance avec Jésus. Le sacrement du baptême a fait de nous tous des êtres nouveaux, recréés à la ressemblance du Christ ressuscité. Nous avons reçu la grâce de la vie nouvelle avec Dieu, nous avons reçu la foi. Dans chacun de nos actes, dans chacune de nos paroles, nous devons nous demander si on y reconnaîtrait Jésus. Cela ne nous arrache pas aux réalités familiales ou temporelles, ni aux réjouissances de la vie quotidienne. Il ne s’agit pas de spiritualiser nos vies à outrance, mais simplement de chercher à ressembler à Jésus, à manifester sa présence par la cohérence de notre vie – « l’unité de vie » dit-on chez les scouts – . Notre vocation baptismale est là. Notre vocation universelle à la sainteté se joue là.

Trois moyens pour vivre ces 3 acceptations :

Prendre l’Évangile comme boussole, livre de chevet ou livre de poche. La parole de Dieu est « une lumière sur nos pas, une lampe sur notre route » (Ps 118). C’est cette parole de vie et de vérité qui nous guidera. Les paroles de Jésus seront des règles d’or pour notre vie quotidienne et nos relations interpersonnelles. La loi de Dieu sera notre colonne vertébrale. D’aucuns parmi vous sont déjà des lecteurs assidus de l’Évangile. Formidable. La lecture doit aller, non seulement à l’intelligence mais au cœur.
Prendre la sainte Eucharistie comme nourriture. C’est le moyen surnaturel par excellence, lié au sacrement de pénitence dans lequel nous recevons le pardon de nos péchés. Adopter une « vie eucharistique », comme le demandait saint Jean-Paul II, c’est laisser l’Eucharistie colorer et donner du goût à tout ce que nous faisons, c’est laisser Dieu nous conduire par le don de sa charité. Le Dimanche, bien sûr, car c’est le jour du Seigneur et l’Église nous le demande, mais aussi dans la semaine, pourquoi pas ? Comme nous pouvons le comprendre dans la prière du Notre Père : « donne-nous notre pain de ce jour », notre pain quotidien, oui, non seulement pour le corps mais aussi pour notre âme.
Enfin : servir les pauvres. Belle école d’humilité. Un service qui ne rapporte rien si ce n’est le centuple que nous recevons en donnant notre vie. Plus nous mettrons le pauvre, le petit, la personne fragile au centre de notre vie, comme on le vit à Lourdes, plus nous ferons l’expérience que la puissance de Dieu agit dans la faiblesse. Car les cœurs se transforment, les cœurs de pierre deviennent des cœurs de chair, les regards découvrent la bienveillance, les mains s’ouvrent pour aider, les bras se tendent comme ceux de Jésus en croix pour accueillir et protéger. Plus on se met au niveau des plus petits, plus on se met à la hauteur de Dieu.

Regardons Celle qui est pour nous modèle d’humilité, Celle dont le cœur a été transpercé par un glaive, celle qui a donné Jésus au monde. La Bienheureuse Vierge Marie, qui a délivré ici un message de grande espérance à la France. Nous mettons sous sa protection nos familles, nos épouses, nos enfants, notre vocation de père, mais aussi nos pères les évêques, et les prêtres que je tiens à remercier et encourager devant vous. Demandons au Seigneur de manifester sa puissance dans notre faiblesse. Toujours dans la faiblesse, mais pour la plus grande gloire de Dieu.

Avec saint Bernard, et comme les marins, regardons Marie, étoile de la mer, stella maris, qui nous guide vers Jésus.

Amen.

 

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