Homélie de Mgr Touvet – 40 ans de la réouverture du séminaire de La castille

homélie 40 ns

ANNIVERSAIRE du SÉMINAIRE de LA CASTILLE
40ème anniversaire réouverture en présence des 4 précédents et de l’actuel recteur
29 mai 2024

Cher Dominique, mon frère dans l’épiscopat qui m’as accueilli, toi qui a fêté ici les 20 ans et les 30 ans, et qui a appelé et ordonné tant de prêtres,
chers frères prêtres qui avez dirigé cette institution ou la dirigez aujourd’hui, vous tous qui y avez été formés,
et vous chers séminaristes,
frères et sœurs,
« Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner da vie en rançon pour la multitude ». Nous entendons le Seigneur Jésus rappeler à ses apôtres que celui qui veut le suivre, celui qui reçoit la mission de gouverner et d’enseigner doit se faire lui aussi le dernier, le serviteur de tous. Cet enseignement nous est précieux pour l’exercice de notre ministère. Évêques, prêtres et diacres, nous apprenons chaque jour à nous effacer devant le Seigneur qui nous a choisis, appelés, consacrés, envoyés. Jacques et Jean sont priés par Jésus de renoncer à leurs prétentions trop humaines ; et dans la version de saint Matthieu, c’est leur mère qui doit accepter que ses chers garçons ne soient pas mis en avant mais à la dernière place, comme Jésus lui-même : « la coupe que je vais boire, vous la boirez ». Pour vivre ce sacrifice, en union avec le sacrifice de Jésus que nous célébrons dans l’Eucharistie, ce sacrifice que Jésus annonce à ses apôtres, nous pouvons recueillir les éléments de fondation qui nous sont rappelés par la lettre de saint Pierre : mettre notre foi et notre espérance en Dieu, obéir à la vérité, nous aimer sincèrement comme des frères. Nous qui avons reçu la grâce de l’ordination, qui avons été configurés au Christ serviteur, prêtre, pasteur, nous nous sommes engagés – je cite les rituels des ordinations d’un évêque, d’un prêtre, d’un diacre – à « garder dans sa pureté et son intégrité le dépôt de la foi selon la tradition des apôtres », à « obéir au successeur de Pierre » et à « vivre en communion avec l’évêque et ses successeurs », à « servir et guider sans relâche le peuple de Dieu sous la conduite de l’Esprit-Saint », à « annoncer l’Évangile et exposer la foi catholique », à « célébrer les mystères du Christ pour la louange de Dieu et la sanctification du peuple chrétien », à « développer un esprit de prière conforme à notre état », à « conformer toute notre vie à l’exemple du Christ ». Il est bon de se rappeler ici et maintenant nos engagements.
En effet, l’anniversaire que nous fêtons est notre anniversaire à tous. Les 40 ans du séminaire de La Castille. C’est l’anniversaire d’un « acte courageux, prophétique et fécond », selon les mots de Mgr Rey dans l’éditorial de EFT n°179 de novembre 2013 : la décision en 1983 de Mgr Madec, notre prédécesseur à tous les deux, qui ouvrit la propédeutique puis le séminaire, au cœur d’une époque encore bien trouble pour les séminaires français. En 1984, Dominique, tu étais alors ordonné prêtre à Paris, et j’entrai au séminaire à Paray-le-Monial à l’issue de la propédeutique intégrée – Paray, une institution issue elle aussi d’un acte courageux, prophétique et fécond dans les années 70 encore plus confuses. Après avoir été installé ici il y a un siècle une fois le domaine cédé au diocèse par Mme Aubert, notre séminaire fut fermé lors de la mobilisation en 1939. Mgr Gaudel y célébra des ordinations en octobre 1944, une fois le domaine libéré de l’occupation allemande. Mais en 1959, devant le constat d’une baisse importante des effectifs et des entrées, le même Mgr Gaudel avec son coadjuteur Mgr Mazerat, signe une lettre pastorale dans laquelle il annonce sa décision de fermer temporairement le séminaire et d’envoyer les séminaristes à Aix et Marseille. « Il ne s’agit nullement, dans notre esprit, d’une fermeture du Grand Séminaire. Nous espérons fermement pourvoir arriver, avec la grâce de Dieu et par des efforts concertés à multiplier les vocations et aussi à reformer une communauté suffisamment homogène et nombreuse. Le diocèse le peut incontestablement ». C’est ce que fera Mgr Madec 25 ans plus tard.
Au cœur de cette célébration eucharistique, après des années récentes mouvementées elles aussi, mais d’une autre façon, nous voulons rendre grâce pour les évêques qui ont veillé avec soin sur ce que le concile appelle « le cœur du diocèse » (décret de Vatican II sur la formation des prêtres Optatam totius §5). Le cœur n’a pas cessé de battre, il y a eu quelques palpitations ou arythmies, mais le cœur bat toujours. C’est un formidable travail évangélique et ecclésial qui a permis la pérennisation de cette œuvre magnifique depuis sa fondation en 1923 et sa renaissance en 1984. N’étant pas personnellement issu de La Castille, mais si merveilleusement adopté par l’équipe actuelle et par les séminaristes, je suis témoin de tout le travail accompli, dans la continuité et l’adaptation aux circonstances, selon 4 axes que me rappelait le père Arnaud Adrien cet hiver : la vie intérieure, la fidélité doctrinale, la dimension missionnaire, la communion des différentes sensibilités. Des dizaines de prêtres ont été ordonnés depuis 40 ans. Rendons grâce.
Je souhaite évoquer ici aujourd’hui quelques points d’attention pour les années qui viennent.
– Avec le Recteur et son équipe, soutenus par la prière des uns et des autres, nous devons opérer un discernement approfondi et prudent. Les jeunes d’aujourd’hui ne ressemblent pas à ceux d’il y a 40 ans ni 20 ans. La nouvelle Ratio Fundamentalis, adaptée pour nous dans la Ratio Nationalis, demande cette attention particulière portée au discernement. La générosité ne suffit pas pour devenir prêtre, ni même la sainteté, mais les aptitudes au ministère doivent être vérifiées avec amour et vérité. L’évêque en est le responsable, mais il ne le fait pas seul, sur un coup de tête ou un coup de cœur. Il s’appuie sur les avis des formateurs, tant au séminaire qu’en paroisse. Et nous savons que l’ordination n’est pas un dû, ni l’octroi d’un statut. Il s’agit de vérifier le mieux possible si le désir du séminariste est un appel du Seigneur ou non. Notre objectif n’est pas le nombre qui risquerait de faire illusion, mais d’offrir à l’Église des pasteurs selon le cœur de Dieu, qui ne se servent pas eux-mêmes, mais servent en prenant la place du dernier et en accueillant toutes les brebis dans la bergerie.
– Nous devons aussi nous poser la question de savoir quels prêtres nous voulons pour demain, ou plutôt de quels prêtres l’Église a besoin demain. Certes, nous avons chacun une idée, une façon de voir les choses, souvent à partir de nos propres repères. Le séminaire n’a pas pour vocation à former des pasteurs comme aux temps florissants où tout le village venait à la messe du Dimanche et faisait ses Pâques, ni à former des moines ou des sacristains, ni même des champions de France de foot des séminaires – ils ont gagné la coupe samedi à Evron ! – mais des prêtres missionnaires, des apôtres envoyés tels des agneaux au milieu des loups dans un monde païen. Nous ne sommes plus en chrétienté. Le Pape François nous a laissé bien des pistes dans l’exhortation Evangelii Gaudium en 2013, qui faisait suite au synode des évêques sur la nouvelle évangélisation convoqué par Benoit XVI : les « disciples-missionnaires » – trame de la Ratio – « la conversion pastorale et missionnaire », « l’hôpital de campagne », « l’Église en sortie », … tout en mettant en garde contre « la tête de Carême sans Pâques » ou « l’Église bureau de douane ». Alors que les effectifs pourraient se tasser dès l’entrée en propédeutique, comme ailleurs, j’ai demandé au conseil du séminaire d’ouvrir un chantier pour regarder loin, au-delà des questions d’habit ou de rituel, et redéfinir le projet du séminaire de La Castille afin que cette maison si accueillante et rayonnante poursuive sa mission, enracinée dans son histoire formidable, et ouverte sur le monde d’aujourd’hui et de demain dans lequel nous sommes envoyés en mission.
– Nous devons, troisièmement cultiver notre responsabilité commune dans l’éveil des vocations et la vie du séminaire. C’est la communauté chrétienne qui permet à des jeunes de se lever pour venir frapper à la porte ici. La vitalité et la fécondité de nos communautés seront le terrain fertile pour des réponses joyeuses et généreuses. Certes les effectifs sont importants pour un séminaire français, mais nous le savons, les vocations du Var sont peu nombreuses, et cela doit nous interroger particulièrement. Comme saint Jean-Paul II, nous pouvons redire « ma vocation : don et mystère », … oui, un mystère, celui du choix de Dieu… mais l’absence ou le peu de vocations issues de communautés parfois très vivantes, au moins en apparence, doit nous interroger sur notre propre vitalité et notre rayonnement. L’enracinement dans le Christ est et sera le socle d’une reprise, mais aussi une conscience commune de porter cela ensemble sans nous ériger en juge de ce qui se fait ou ne se fait pas au séminaire, comme ci ou comme ça. Le fait de sortir des tensions stériles, de nous rendre disponibles pour enseigner, de mobiliser le peuple chrétien dans la prière, et d’accompagner les jeunes en respectant leur liberté seront des éléments complémentaires et nécessaires. Mgr Gaudel le disait en 1959 : « cette décision comporte pour les prêtres en particulier et aussi pour les laïcs généreux des exigences plus précises envers les vocations sacerdotales. Les prêtres doivent assurer courageusement l’éveil et la formation de séminaristes solides et nombreux ».
– Enfin, je dois mentionner ici le soin que nous devons tous porter envers les prêtres qui traversent des temps difficiles, et cela pour des raisons très diverses. Il y en a. Je les accompagne de mon mieux. J’ai besoin de vous. Leurs photos sont affichées dans la cage d’escalier avec les vôtres. C’est une invitation à fortifier de jour en jour notre fraternité sacerdotale. Cette entraide fraternelle parfois difficile sera une source généreuse pour des vocations.
Dans un mois exactement, le 29 juin, nous pourrons renouer avec la tradition des ordinations à La Castille, imposer les mains aux jeunes confrères, et concélébrer à nouveau tous ensemble le mystère de l’Eucharistie qui est au cœur de notre ministère, comme une source, une lumière, une force, une grâce.
Sous le regard de la Vierge Marie, l’Immaculée Conception, dont l’image nous accueille au bout de la grande allée des platanes, et celle très ancienne du séminaire de Fréjus qui est là dans cette chapelle, nous fêtons cet anniversaire et nous engageons à soutenir le séminaire aujourd’hui et demain. Que Marie apprenne à tous à dire « Fiat ! »
Amen.
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