Article Var Matin : « L’Église ne réunit pas que des gens parfaits »

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Article à retrouver sur https://www.varmatin.com/religion/leglise-ne-reunit-pas-que-des-gens-parfaits-les-confessions-de-fin-dannee-de-monseigneur-rey-816917

Avec l’Argentine championne du monde, François est un pape heureux. Cette joie peut-elle rejaillir sur l’église ?

Avant toute chose, je précise que le diocèse de Fréjus-Toulon accueille en son sein quelques prêtres argentins. Bien sûr, pour ceux qui sont férus de football, la joie de voir leur équipe gagner la coupe du monde peut avoir un impact. Mais il n’y a pas de connexion immédiate entre Noël – la fête de l’incarnation de Dieu fait homme -, et cette compétition sportive. On peut cependant établir quelques parallèles entre la religion et le sport collectif, que ce soit du football ou du rugby. Dans les deux cas, cela demande une forte mobilisation pour quelque chose qui nous dépasse, une conjugaison des efforts, des harmonies. La dimension de communion est dans l’ADN du christianisme.

 

Plus sérieusement, comment vivez-vous la surenchère de qualificatifs à l’égard de Messi « l’égal de Dieu ».

Il est normal qu’on éprouve de l’admiration pour quelqu’un qui réalise des prouesses, mais attention à ne pas verser dans l’adoration, l’idolâtrie. Il est dangereux de prendre un sportif quasiment pour Dieu. Il y a un excès malsain à vouloir prendre la place de dieu. Mais bien souvent les sportifs comme Messi, qui sont ainsi portés aux nues, n’ont pas cette prétention car ils ont déjà connu l’échec, pris des coups et savent que ce moment d’apothéose n’est que passager.

 

Le football hissé au rang de religion traduit-il une perte de spiritualité ?

On assiste à une dévalorisation, une perte des identités chrétiennes, spirituelles qui poussent certains à se projeter sur des personnages mythiques, héroïques, voire des sportifs ou des artistes. Je le répète : on est sur une ligne de crête. On peut reconnaître les talents de quelqu’un mais sans l’idolâtrer.

 

Après les révélations de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) à l’automne 2021, l’année 2022 a été une nouvelle fois difficile. Avec les affaires Santier et Ricard, c’est l’épiscopat qui est frappé. Comment vivez-vous ces scandales à répétition ?

Quand j’ai appris les faits au cours de la Conférence des évêques de France, j’ai d’abord ressenti de la sidération. Notamment en ce qui concerne le cardinal Ricard, un personnage dont on était en droit d’attendre la plus grande probité. Surtout après les paroles fortes qu’il avait exprimées vis-à-vis des ecclésiastiques ayant commis des abus sexuels. Cette incohérence tragique entre la parole et les actes a pu provoquer de l’incompréhension, de la révolte même chez certains d’entre nous. Ces faits tout à fait inexcusables jettent le discrédit sur l’ensemble de l’institution qu’il est injuste de réduire à ces dérives, ces violences. Dans le même temps, cela nous oblige à renforcer encore les dispositifs de prévention, d’écoute des victimes et de formation du clergé. Un accompagnement plus sérieux des pasteurs, prêtres et évêques est nécessaire. Et bien évidemment, l’omerta au sein de l’église n’est pas tolérable. Il faut poursuivre notre collaboration avec les autorités civiles pour qu’il y ait un traitement judiciaire de ces affaires.

 

L’Église catholique de France est-elle en danger ? Avez-vous constaté une désaffection des fidèles ?

Dans un certain nombre de lieux, ça a pu pousser certaines personnes à se détourner de l’église. Mais d’autres manifestent leur soutien et refusent d’assimiler les dérives de prêtres, voire d’évêques à ce qu’elles connaissent de l’église. L’église ne réunit pas que des gens parfaits. C’est une buanderie avec beaucoup de linge sale dans laquelle un travail de résilience, de réparation est réalisé. Les récentes révélations ont mis en lumière le très mauvais traitement de ces dossiers par les instances diocésaines, et des dysfonctionnements des relations entre le local, le national et les autorités romaines. Depuis des dispositifs, des protocoles avec le Vatican ont été mis en place afin d’améliorer ce traitement.

 

Le diocèse de Fréjus-Toulon n’a pas été épargné puisque le Vatican vous a interdit d’ordonner des prêtres au printemps. Où en sont vos rapports avec Rome ?

Il s’agit d’une suspension, et non d’une interdiction. Cette précision étant faite, les négociations avec les autorités romaines se poursuivent. On travaille toujours à la levée de cette suspension afin de permettre aux séminaristes qui se préparent à devenir prêtres de pouvoir être ordonnés. C’est un processus très long, mais on espère qu’on pourra reprendre les ordinations au printemps prochain.

 

Un mot justement sur la tournée pastorale que vous avez entreprise sur l’ensemble du territoire du diocèse dans la foulée de la décision du Vatican.

Le diocèse a d’abord adopté un moratoire sur l’accueil des communautés. Pour veiller à une meilleure intégration des communautés dites traditionalistes, nous avons également rédigé la charte de « Saint Léonce », du nom du premier évêque de Fréjus. J’ai lancé aussi un grand état des lieux des communautés qui sont visitées par une douzaine de prêtres et laïcs experts. Pour en revenir aux visites pastorales que vous évoquez, je me déplace dans les paroisses et chez les prêtres. Je me suis déjà rendu dans une vingtaine de paroisses dont Rians, Saint Maximin, Le Pradet. Hier encore je dînais avec les prêtres du Mourillon. Ce sont plus de 80 prêtres rencontrés personnellement ces trois derniers mois. Et je compte bien continuer à faire le tour de toutes ces réalités. L’idée étant de voir comment les paroisses fonctionnent, quelles propositions elles mettent en place pour faire vivre la pastorale et, le cas échéant, leur soumettre des correctifs. Je suis confiant car tout cela portera du fruit.

 

On ne peut pas parler de 2022 sans évoquer la guerre en Ukraine. Comment expliquer qu’un religieux – en l’occurrence le pope Kirill – cautionne un tel conflit ?

Traditionnellement en Russie, il existe une implication, un lien fort entre les autorités politiques et religieuses. En France, au nom du principe de laïcité, les choses sont différentes. La séparation des institutions publiques et des organisations religieuses est une réalité. Et si l’église fait de la politique, c’est au sens noble du terme, pour la défense de la vie, des principes fondamentaux du bien commun, de la solidarité envers les plus pauvres. En aucun cas, il ne s’agit d’une sujétion, d’une soumission de l’église à la vie politique. Il faut se garder de se servir de Dieu, au lieu de servir Dieu.

 

En cette veille de Noël, quel est le message que vous souhaiteriez adresser aux chrétiens ?

Noël est avant tout la fête d’un enfant, l’enfant Jésus qui nous rappelle la dimension de l’émerveillement. Comme l’écrivait Georges Bernanos : « Quand je me présenterai devant Dieu, c’est l’enfant que je fus qui me précédera ». Noël, c’est le jour de l’espérance. C’est aussi la fête de la famille. Autour de la famille de Nazareth, on retrouve les relations fondatrices de notre lien social. C’est dans la famille qu’on apprend le vivre ensemble, qu’on accepte l’autre, avec ses différences. Et puis je voudrais adresser également un message de solidarité pour les plus défavorisés et de paix.  Les formes de violence qui traversent nos sociétés sont nombreuses. Or, au moment de Noël, c’est un brin de lumière paisible qui éclate. Et on en a bien besoin !

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