Chaque célébration affermit notre vocation

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Homélie de monseigneur Dominique Rey le 2 avril 2007 (messe chrismale à la cathédrale de Toulon)

Homélie de Mgr Rey à la cathédrale de Toulon, le 2 avril 2007, lors de la messe chrismale. Les fidèles, comme les prêtres s’y sont déplacés massivement !

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Le Christ, l’unique grand prêtre

Au début de cette semaine sainte, à l’occasion de cette messe chrismale qui est aussi la fête du sacerdoce, les prêtres qui exercent leur ministère dan notre diocèse vont renouveler leurs engagements sacerdotaux, qu’ils ont pris au jour de leur ordination. Le Christ, l’unique grand prêtre de l’Alliance nouvelle « a donné à tout le peuple des rachetés la dignité du sacerdoce royal » (cf préface de la prière eucharistique que je vais réciter dans quelques instants), mais « le Christ s’est choisi dans son peuple ceux qui, recevant l’imposition des mains, auront part à un ministère sacerdotal. »

C’est donc à vous, prêtres du Seigneur, que je m’adresserai. Je prendrai appui sur quelques aspects de l’exhortation apostolique sur l’eucharistie, que le Pape Benoît XVI vient d’écrire à la suite du Synode sur l’eucharistie. Quelques points qui sont au cœur de notre ministère presbytéral.

1 – Bien célébrer

Le pape insiste d’abord sur la manière de « bien célébrer » la messe (ars celebrandi). « La meilleure catéchèse sur l’eucharistie, c’est l’eucharistie elle-même, bien célébrée » disait un des pères du synode sur l’eucharistie.

Dans un contexte d’appauvrissement culturel, (en particulier de déficit de la culture chrétienne chez beaucoup de jeunes) il nous faut redécouvrir personnellement, et faire découvrir, la beauté des signes contenus dans la liturgie. Les chrétiens ont besoin d’une catéchèse mystagogique, c’est-à-dire d’être initiés au mystère chrétien, à la compréhension des rites et des symboles du culte liturgique.

La Tradition liturgique chrétienne nous propose un patrimoine considérable de signes qui, au cours des siècles, reprenant les archétypes culturels issus du paganisme ou des religions primitives, les ont baptisés et intégrés à l’expression du mystère de la foi

Si nous n’offrons pas à nos contemporains le témoignage de ce patrimoine, leur tentation sera grande de fabriquer ou de reconstituer à partir des gnoses ou des religiosités sauvages, de nouveaux rituels et de nouvelles initiations.

L’ignorance ou la mésestime de la symbolique chrétienne a conduit à des applications fantaisistes de la Réforme liturgique de Vatican II, parfois à des abus, jusqu’à l’auto-célébration de la communauté en voulant rendre compréhensible le mystère.

La liturgie chrétienne est l’acte même du Christ qui appelle et emplit les actes humains, exercés en son nom dans l’Eglise, et garantit leur efficacité. La liturgie est la prière du Christ et de l’Eglise. Nous n’en disposons pas à notre guise. Nous ne la construisons pas au gré de nos goûts ou de nos opinions. Elle est la première obéissance que réclame notre fidélité à l’Eglise : nous inscrire dans les formes et les expressions, les gestes et les paroles, de sa louange, de sa supplication, de sa disponibilité à l’œuvre de l’Esprit Saint en elle. Le soin apporté aux formes extérieures de la liturgie que détaille le St Père, n’est pas sans relation avec cette disposition intérieure de rapporter notre prière à celle de l’Eglise, de nous couler en elle.

2 – Lien entre la célébration et l’adoration eucharistique

Dans son exhortation apostolique sur le sacrement de l’amour, le pape souligne encore le lien entre la célébration et l’adoration eucharistique. « Que personne ne mange cette chair sans d’abord l’adorer. Nous pècherions si nous ne l’adorions pas ».

En citant saint Augustin, Benoît XVI écrit encore : « L’acte d’adoration en dehors de la messe prolonge et intensifie ce qui est réalisé durant la célébration eucharistique ».

Dans notre diocèse, plusieurs paroisses ont développé des lieux et des permanences d’adoration eucharistique. Notre monde bruyant et brouillon pousse par contraste à chercher des espaces d’intériorité et de silence. Des lieux où l’on peut rencontrer Jésus. L’adoration est la prière du Christ en état d’offrande sacrificielle vis-à-vis de son Père, pour le salut du genre humain. Dans le St Sacrement, Jésus se donne radicalement à nous. Adorer, c’est se glisser dans cette offrande de Jésus qui assume et intègre le don que nous faisons de nous-même : le don de nos vies, de nos difficultés, de notre passé.

Je souhaite que nous puissions continuer de développer des propositions d’adoration à travers notre diocèse. En particulier auprès des enfants, dans le cadre d’une catéchèse appropriée. Le pape insiste à ce propos sur « les efforts à faire dans le parcours de formation à la première communion, qui initie les enfants au sens et à la beauté du fait de se tenir en compagnie de Jésus eucharistie ». Cela vaut aussi, ajouterai-je, pour l’adoration en famille que l’on pratique ça et là.

3 – L’eucharistie, une forme ecclésiale et communautaire

3ème réflexion du pape. « La forme eucharistique de l’existence chrétienne est une forme ecclésiale et communautaire » écrit encore le pape. Comment éveiller à la conscience communautaire de la vie chrétienne dans un contexte d’individualisme et de subjectivisme ? En communiant ensemble au corps eucharistique du Christ, nous sommes intégrés à son corps ecclésial. Nous formons en lui et par lui, un seul corps dont il est la Tête.

L’eucharistie est le sacrement de l’intimité (Dieu en nous) mais aussi de l’unité de l’Eglise et de la fraternité (nous tous en Dieu). Une fraternité non pas d’abord d’opinion, d’affinités, de sentiments mais une solidarité sacramentelle que l’apôtre Paul présente comme une « incorporation au Christ ». L’enjeu est de taille. Dans les communautés dont nous avons la charge, tant de fidèles sont parfois juxtaposés les uns aux autres. Ils ne se connaissent pas entre eux. Comment, à partir de l’eucharistie, peut se constituer réellement, visiblement un corps, c’est-à-dire un maillage humain et spirituel, un esprit de famille où chacun est accueilli pour ce qu’il est, avec ses difficultés et ses dons ? Comment développer une spiritualité, une ecclésiologie de communion ? Certes, ce rassemblement et cette communion appellent des efforts d’accueil et d’hospitalité, mais, comme le montrent les Actes de Apôtres, c’est la prédication de la Parole (l’annonce de la foi) qui « transperce le cœur » et, en nous ouvrant au Christ, nous ouvre les uns aux autres, nous fait entrer dans la charité fraternelle.

4 – L’eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise

La lecture de l’exhortation apostolique fait ressortir un quatrième défi. « L’eucharistie comme source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise, doit se traduire en spiritualité, en vie selon l’Esprit, en forme eucharistique d’existence chrétienne ». Et le pape reprend à son compte la formule de saint Ignace d’Antioche qui parlait des chrétiens comme « ceux qui vivent selon le dimanche ». Il ajoute « le dimanche est le jour où le chrétien retrouve la forme eucharistique de son existence ».

Comment la célébration de la messe qui se situe dans un espace temps limité (1 h environ, certains trouvent le temps long !) peut-elle irradier, intégrer, transfigurer toutes les dimensions de notre vie et toutes nos activités ? Comment la célébration de l’eucharistie peut-elle transformer notre semaine, notre journée, notre ministère ? En est-elle vraiment le cœur, la source, le sommet ?

Il y a quelques jours, j’ai passé une journée de récollection avec des couples divorcés remariés. C’est en écoutant la souffrance que beaucoup exprimaient, par fidélité à la discipline de l’Eglise, par amour de l’Eglise, de ne plus pouvoir communier au Corps et au Sang du Christ, que je mesurais la grâce inouïe qui nous est offerte et dont nous ne prenons conscience que lorsque nous en sommes privés. Il y a quelque chose pire que d’avoir une âme mauvaise, c’est d’avoir une âme « habituée » disait Péguy. Comment ne pas « s’habituer » à l’eucharistie puisque si elle se répète, c’est que nous ne parvenons jamais au bout de son mystère et de sa nouveauté radicale.

5 – L’eucharistie a un caractère social

Dernier point. Au terme de son exhortation apostolique, le pape souligne que le « mystique du sacrement a un caractère social » L’eucharistie est sacrement de communion entre frères et sœurs qui acceptent de se réconcilier dans le Christ. Elle engage les chrétiens à œuvrer pour la justice et le pardon, à bâtir une paix véritable, à travailler pour le respect et la dignité de la personne humaine depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle, à refuser les situations de précarité et d’exclusion qui frappent les plus démunis. L’eucharistie est à la dimension de la mission universelle de salut. Ne la réduisons pas à l’échelle de nos besoins individuels, ou à ceux de notre communauté. Ne la rétrécissons pas au périmètre de nos insatisfactions et de nos revendications. N’instrumentalisons pas le Christ. Mais, au contraire, élargissons notre cœur, nos prières, l’offrande spirituelle de nos vies, aux larges horizons de la conversion de notre monde dont la transformation eucharistique est le signe.

Puisque le pain devient le Corps du Christ, puisque le vin devient le sang du Christ, notre monde défiguré est appelé à changer de substance et de visage. « Le monde ancien s’en est allé. Un nouveau monde est déjà né ». Chaque messe porte l’espérance de cette transfiguration.

Je conclus : en parlant des prêtres, en parlant aux prêtres, le Pape Benoît XVI, dans son exhortation apostolique, recommande, à la suite des pères synodaux, « la célébration quotidienne de la messe, même sans la participation des fidèles ». Chaque célébration affermit notre vocation. Elle promeut notre configuration au Christ. Elle nous renouvelle dans l’offrande que nous faisons de nos vies, à la suite du Christ et pour le service de nos frères. Jamais, nous ne sommes autant prêtres que dans le geste qui reproduit et actualise le geste même de Jésus, lorsqu’en donnant le pain de vie, nous donnons notre vie en nourriture, afin que se constitue le corps ecclésial, l’Eglise du Christ.

Chers frères prêtres, en ces jours très saints où nous suivons de près Jésus en sa Pâque, demandons ensemble à l’Esprit Saint de nous apprendre, à chaque eucharistie, à nous sanctifier, tandis qu’au nom du Christ, nous sanctifions nos frères.

+ Dominique Rey
Evêque de Fréjus-Toulon
2 avril 2007

 


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