Vivre en Marie
Homélie de monseigneur Dominique Rey le 6 décembre 2014 (pour la fête du Séminaire)
Voici l’homélie prononcée par monseigneur Rey lors de la messe de la fête du Séminaire le 6 décembre 2014 à La Castille.
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Vivre en Marie
Chaque personne humaine se caractérise par 3 traits : le « faire », le « dire », et avant tout, « l’être », c’est-à-dire le fait de vivre, d’exister en soi-même. Notre société valorise jusqu’à l‘extrême, jusqu’à l’hyperbolie le « faire » et le « dire ». Le « faire » car elle est technicienne, matérialiste, entrepreneuriale. Elle cultive le goût de l’action. Elle cherche la performance et le rendement Notre société exalte aussi le « dire ». Elle est médiatique, numérique, toujours inter-connectée. Elle bavarde au sujet de tout, sans cesse, sur les réseaux sociaux ou par la téléphonie, devenus indispensables.
Mais notre monde est handicapé par rapport à « l’être ». La vie est méprisée dès son apparition, avortée. Et l’automne de la vie est menacé dès qu’il coûte trop cher à la société : l’euthanasie est à notre porte. Cette société liquide, comme le souligne les sociologues, est marquée du sceau du relativisme puisque rien n’est sûr et tout est relatif. L’individu devient flottant, incertain, orphelin, atomisé. Il a perdu le sens des interdits, les repères constitutifs de son humanité. Mutilé de toute transcendance, il s’accroche à l’éphémère et au futile. Il ne sait plus qui il est, d’où il vient ni où il va. Le fleuve sans berge devient vite marécage. Dans cette fête de la Vierge que nous célébrons en ce jour, en deçà de toute parole et de toute action, nous honorons la conception d’un « être » dans le cœur de Dieu. Une élection secrète qui s’origine dan la paternité de Dieu en vue de l’Incarnation de son Fils pour le salut de tous.
La vie du séminaire de La Castille est sous la tutelle de la Vierge, Immaculée Conception, sans doute pour signifier à tous les séminaristes que ce séminaire est en premier lieu un lieu d’élection, d’engendrement d’un être sacerdotal qui est, avant tout, le fruit de la grâce de Dieu.
Certes, toute maison de formation au presbytérat est un lieu d’apprentissage au dire et au faire. Il s’agit d’apprendre à parler au nom du Christ, Parole éternelle, afin de l’annoncer, de l’enseigner et de signifier sa présence, de parler la langue de la foi avec son vocabulaire, sa grammaire, sa syntaxe. Dans le cadre du séminaire, il s’agit aussi d’être initié pour agir au nom du Christ afin que se construise le Corps du Christ. Oui, le prêtre est appelé à ouvrir la bouche et à se dépenser jusqu’à l’oubli de soi. Mais à la racine de tout, il est appelé à « être », c’est-à -dire à assumer une élection, à accueillir une bénédiction, à habiter une identité : celle de la configuration, par le sacrement de l’ordre, au Christ, Tête de son Eglise, ministre de la Parole et des sacrements. Le séminaire est une école de vie chrétienne où se vérifie, s’approfondit, se murit l’appel à imiter le Christ dans toutes les dimensions de l’existence. S’il est question au séminaire de la transmission des connaissances bibliques et théologiques, et de l’apprentissage à un savoir-faire pastoral, ceux-ci sont relatifs à la construction humaine et spirituelle, théologale de l’être sacerdotal ; à la liberté intérieure de son engagement ; à l’intériorité et l’intégration spirituelle de sa vocation, à la consistance et la cohérence de son désir de suivre le Christ pour pouvoir partager sa mission salvifique.
Le séminaire est une maternité avant d’être une faculté théologique ou école d’ingénierie pastorale. Un lieu d’engendrement d’un appel à suivre le Christ qui doit se construire et se consolider dans la durée et au sein d’une communauté. Et si le séminaire est une « clinique d’accouchement », la place de la Vierge Marie y est essentielle. Benoît XVI soulignait que « sacrifice, sacerdoce et Incarnation vont de pair, et Marie est au centre de ce mystère. »
Tout prêtre doit assumer une mission prophétique : proclamer l’Evangile du Christ dans un contexte relativiste de perte d’autorité, où toutes les opinions se valent, un monde privé de l’accès à la Vérité. Tout prêtre est député à une mission royale, celle de gouverner, par la charité pastorale, la communauté qui lui est confiée pour qu’elle soit un levain dans la pâte.
Mais tout prêtre assume en premier lieu une dimension mariale. Car tout son ministère (que ce soit celui de la Parole, celui de la sanctification du peuple chrétien, ou celui gouvernement), tout son ministère s’explique, s’enracine par un point de départ : le Seigneur a saisi son existence. Il n’est plus à lui-même, mais au Christ ; et l’Esprit-Saint lui enjoint de porter aux autres Celui-là même qu’il porte en lui comme un feu, comme une urgence, une exigence, comme une joie débordante.
C’est à ce mystère d’élection, d’habitation, à la fois de consentement et de renoncement auquel Marie conduit tout aspirant au sacerdoce. Mère prudente et sage, Vierge protectrice de notre vocation, l’Immaculée enseigne aux séminaristes 3 choses.
D’abord, elle parle du Christ.
La Vierge Marie a présidé par son « fiat » à l’Incarnation. A Cana, elle introduit son Fils, le fruit béni de ses entrailles, à son ministère public. « Faites tout ce qu’il vous dira », conseillera-t-elle aux serviteurs du banquet nuptial qui nous représentent. C’est elle qui accompagne son enfant au Golgotha. Elle devient alors mère du disciple bien aimé et de l’Eglise, conçue au pied de la Croix. On la trouve enfin, après la résurrection au Cénacle, lorsqu’elle entraîne les apôtres apeurés à accueillir dans la prière le don de l’Esprit-Saint.
Consacré à la Vierge Immaculée, le séminaire doit aider chacun à habiter, à intégrer tous les mystères du rosaire, joyeux, lumineux, douloureux, glorieux en suivant de près Jésus. Il s’agit « d’apprendre le Christ » (Jean-Paul II) par cœur, par le cœur, et personne ne le connaît mieux que sa mère. Elle connaît Jésus de l’intérieur. Celle qui médite sans cesse sa Parole, invite chaque séminariste à comprendre par la foi ce qu’il ne comprend pas encore par la raison. Le prêtre est appelé « Alter Christus » ; et sa communion au Christ implique cette foi mariale. Au pied de la Croix, le disciple bien aimé, figure du sacerdoce ministériel est confié à Marie, la femme sacerdotale par excellence. « Fils, voici ta mère » Oui Marie prend à chaque séminariste sous sa garde afin qu’il devienne disciple pour devenir un jour, apôtre.
Marie parle du Christ mais aussi de l’Eglise puisqu’elle en est la figure prophétique.
La Vierge fait découvrir l’Eglise comme notre mère, et comme une épouse : une mère qui engendre des fils et une épouse qui reçoit l’amour du Christ son époux, et le fait fructifier en elle.
« Dans l’Eglise s’il n’y avait plus de place pour Marie, le christianisme deviendrait une bureaucratie sans âme », disait le pape Benoît XVI. Le pape François aurait ajouté : « elle deviendrait une ONG ».
En prenant Marie chez soi, le candidat au sacerdoce accueille le Corps du Christ qu’elle porte encore, non plus dans ses entrailles, mais dans son cœur. Le séminariste épouse avec Marie l’Eglise dont elle le membre le plus éminent. Il épouse ce que l’Eglise dit par son Magistère. Il fait sienne la compassion pour tous ceux qui sont loin, sa sollicitude maternelle pour les petits et les pêcheurs. Il s’inscrit dans la mission universelle de salut dont l’Eglise est le sacrement (LG). Ce qui est extérieur à l’Eglise (périphérique) lui est en réalité intérieur et antérieur. L’Eglise existe pour ceux qui n’y sont pas encore.
Le temps de la formation au séminaire doit permettre à chacun de se familiariser avec la vie de l’Eglise, dans toutes ses composantes, dans tous ses dynamismes, de prier avec elle, de fréquenter celles et ceux qui (à travers son histoire), ont été les grandes voix de l’Eglise par leur sagesse, leur sainteté, leurs intuitions, dans la fidélité à sa Tradition vivante.
Devenir prêtre, c’est apprendre à aimer l’Eglise, à souffrir avec elle (et parfois à cause d’elle), à penser, à agir avec elle, pour qu’elle devienne notre famille et notre patrie.
La Vierge Marie parle du Christ et de l’Eglise, mais aussi de la sainteté.
La sainteté de Dieu se reflète en elle dans le miroir de sa virginité. Elle exerce une maternité par le choix de la chasteté. Aussi en se plaçant sous la protection maternelle de Notre Dame, le prêtre comprend qu’en assumant le choix du célibat, il exerce une paternité : être tout à tous en appartenant qu’à un seul, le Christ.
Marie est le choix de Dieu et en réponse, Marie fait le choix de Dieu. Telle est l’expression parfaite de la sainteté : c’est en se recevant totalement du Père des Cieux, qu’elle se donne entièrement à ses frères et sœurs sur terre.
Dieu lui offre en partage sa sainteté. Il lui offre son Fils, le seul « saint » en qui s’accomplit sa sainteté même de Dieu, et Marie l’offre au monde.
C’est bien à cette sainteté que le prêtre, en suivant la Vierge Sainte, est appelé. Dans l’exercice de son ministère, d’une part il célèbre et accueille jour après jour la sainteté de Dieu, et d’autre part, il sanctifie le peuple chrétien qui lui est confié. Il devient canal de la grâce de Dieu qui passe par ses propres limites. Et c’est dans ce dynamisme de recevoir et de transmettre la sainteté de Dieu, qu’il se sanctifie lui-même au passage.
A l’école de Marie, chaque séminariste pour devenir un canal de grâce (serviteur de la grâce) doit être en état de grâce, c’est-à-dire appartenir à Dieu sans restriction et sans retour sur soi, pour que rien en nous ne soit pas à Lui, pour que nous ne fassions pas écran au Christ, mais que nous en soyons l’écrin. Sainteté oblative et missionnaire du futur prêtre qui comprend qu’aimer quelqu’un, à la suite de Marie, c’est tout faire pour que l’amour de Dieu s’accomplisse en lui, et pour cela, prier, jeûner, pratiquer l’ascèse, selon les recommandations de l’Immaculée, mettre de l’amour dans les petites choses de la vie.
L’authentique dévotion à la Mère de Dieu est de chercher à tout vivre en elle. Il s’agit de bien autre chose que de faire des prières à la Sainte Vierge. Vivre en Marie, n’est rien d’autre que vivre dans l’Esprit.
Plus on plonge en Marie, plus elle nous plonge dans l’Esprit-Saint. St Louis-Marie Grignion de Montfort disait à propos de la Vierge : « Quand l’Esprit-Saint l’a trouvée dans une âme, il y vole, il y entre pleinement, il se communique à cette âme abondamment et autant qu’il donne place à son Epouse. »
Ainsi lorsqu’un prêtre accepte de descendre avec la Vierge Marie dans ces régions profondes de la foi, il y trouve la fécondité décuplée de son ministère et l’allégresse du Magnificat.
+ Dominique Rey
Messe au Séminaire de l’Immaculée Conception (La Castille)
6 décembre 2014
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