Homélie du 15 août 2022 à Cotignac

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Cette solennité de l’Assomption de la Vierge Marie que nous célébrons en ce jour, constitue pour l’Eglise catholique, défini depuis 1950, un dogme. C’est-à-dire une vérité substantielle de notre foi. Marie avec son âme et son corps a été élevée à la gloire du Ciel aux côtés de son Fils Ressuscité.Ainsi la prédiction du Magnificat se réalise : « Tous les âges me diront bienheureuse ».

Assomption vient du latin « assumere », qui veut dire prendre avec soi, prendre sur soi » et « élever ». Assumere a donné en français, le verbe assumer. Parce que Marie a assumé, « pris sur elle » sa vocation de Mère du Sauveur, par un « oui » à Dieu, elle a été prise avec son corps, dans la gloire du Ressuscité.

A l’Annonciation, en et par Marie, Dieu habite notre humanité.

A l’Assomption de la Vierge, en et par Marie, notre humanité habite en Dieu.

L’Assomption de la Vierge préfigure et prépare la nôtre. Comme lors de l’Incarnation, les retrouvailles de Marie avec son Fils, dans la gloire, se déroulent dans la discrétion.

Cette fête de l’Assomption nous redit que nous sommes faits, programmés pour la vie éternelle, dans la mesure où nous assumons par notre baptême, la vie de Dieu en nous.

Parce que la première sauvée, Marie, est le prototype, le signe avant-coureur de notre marche vers le paradis. En elle, nous contemplons notre avenir. Elle annonce la gloire à venir et nous y introduit.

Comme à Cana, « elle devance l’heure ». Elle hâte l’accomplissement du « Jour de Dieu », dont parle l’apôtre Pierre (2 P 3,2). En tête de cordée, en balisant la route, elle nous accompagne fidèlement jusqu’à la « Jérusalem céleste », que relate le livre de l’Apocalypse. « Apparut dans le ciel, un signe grandiose : une femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de 12 étoiles ».

Marie brille pour l’Eglise et pour l’humanité, tel un « signe d’espérance et de consolation », soulignait le Concile Vatican II. Avec Marie glorifiée, nous parvenons aux rivages célestes où finit le temps et où commence l’éternité.

Mais de quoi est faite cette éternité que partage la Vierge Marie et vers laquelle, à sa suite et sur ses traces, nous nous dirigeons ?

  • D’abord, l’éternité est remplie de louanges et de cris de victoire, d’Alléluia.

A partir de son Magnificat, Marie nous fait entrer dans la joie de Dieu. Comme le clamera St Paul aux Philippiens : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur. Je le répète, réjouissez-vous ! »

Dieu a dans notre vie la place que nous donnons à la joie. Non pas la joie éphémère et trompeuse des plaisirs qui nous ramènent à nous-mêmes ; non pas la jouissance fugace et parfois servile que nous plaçons dans les objets et dans les émotions consommatrices. « La vraie joie, disait St Thomas d’Aquin, n’est pas distincte de la charité ». Elle en est le fruit.

Face aux tristesses, aux aigreurs, aux amertumes qui traversent nos vies, Marie en son Assomption nous plonge dans l’allégresse des saints et des anges qui acclament l’Agneau vainqueur, la victoire de l’Amour.

Frères et sœurs, apprenons de la Vierge Marie et apportons à notre monde le témoignage de la vraie joie. La joie de croire. La joie d’aimer et d’être aimé. Action de grâces répétée et actualisée à chaque messe quand nous célébrons la victoire du Christ sur la mort et le péché.

Nietzsche avouait : « si les chrétiens avaient des têtes de Ressuscités, peut-être que je croirais ». La joie est le premier témoignage que le chrétien peut apporter au monde.

C’était Léon Bloy qui disait : « En Dieu tout est joie car en Dieu, tout est don ».

Notre joie chrétienne est liée à la charité, au don de soi. Elle nous ouvre à autrui. La vraie joie communique par l’amour.

  • L’éternité à laquelle en ce jour, la Vierge nous donne accès, est faite de joie, mais également d’intercession.

Comme le soulignait Ste Thérèse de Lisieux, « Marie passe son ciel à faire du bien sur la terre ». Alors qu’à Cana en Galilée, Marie était intervenue auprès de son Fils en lui disant : « Ils n’ont plus de vin », pour en quelque sorte l’entraîner, l’accoucher à sa mission publique, la Vierge continue, auprès de son Fils d’intercéder en faveur de l’Eglise et de l’humanité dont elle est la mère. Et comme à Cana, le Seigneur écoute sa prière. Sa supplication transperce le cœur de son Fils ; ce cœur qu’elle a vu s’ouvrir au Calvaire ; ce cœur d’où jaillit l’eau et le sang. L’eau de la vie. Le sang de l’amour versé pour nous.

Notre Dame (comme à Lourdes avec Bernadette) nous enseigne l’art d’intercéder. St Alphonse de Liguori écrivait : « Dieu veut être prié. Il veut être vaincu par notre importunité ». C’est ce que souligne l’Evangile lorsque Jésus répond aux requêtes incessantes de cette femme cananéenne que voudraient rabrouer les disciples et qui supplie l’intervention de Jésus pour guérir sa fille tourmentée par le démon (Mt 15, 21-28).

Osons avec humilité et confiance, à l’école de Marie, tout demander au Seigneur. Il est le maître de l’impossible. Marie, la servante du Seigneur, attend tout de Dieu. Elle s’attend à Dieu à chaque seconde. Par la prière, elle croit dans la générosité, la patience et l’inattendu de Dieu. Et parce qu’elle n’oppose aucune résistance à ses appels, le Seigneur l’écoute et l’exauce. Il la remplit de sa grâce. « Sois sans crainte, tu as trouvé grâce auprès de Dieu », lui dira l’Ange au moment de l’Annonciation.

La Vierge Marie, « pleine de grâces », acquiesce absolument à Dieu. Elle nous apprend que la grâce secoue les prévisions et qu’avec le Seigneur, l’impossible triomphe du possible.

  • L’éternité vers laquelle Marie nous attire en son Assomption est joie, intercession mais aussi communion. Communion avec Dieu. Communion en Dieu. Communion des saints autour de l’Agneau vainqueur.

Le Christ, en et par son Eglise, veut récapituler, réconcilier, rassembler en Lui toute l’histoire humaine, toutes choses du Ciel et de la Terre.

Comme au Cénacle où les apôtres étaient réunis autour de Marie pour recevoir l’Esprit-Saint, la maternité divine de Marie consiste à engendrer la communion entre tous ; communion dont l’Eglise est le sacrement.

Charles Péguy utilisait une belle image. « Dans l’Eglise nous ne sommes pas séparés. Autour et à partir de Marie, les saints nous attirent vers le haut. Nous leur donnons la main. Nous nous tirons mutuellement pour remonter jusqu’à Jésus. Nous formons une chaîne qui va jusqu’à Dieu ; une chaîne aux doigts indéliables ». Une chaîne où toute âme qui s’élève, élève le monde. Cette communion des saints, portée par Marie, reine et mère, s’origine en Dieu, communion trinitaire et s’incarne en chacune de nos familles et au sein de nos communautés.

Une communion où chacun ne peut devenir lui-même, advenir à lui-même, que grâce aux autres. Une communion qui s’édifie autour, non pas d’abord des sentiments ou des affinités, mais d’une vérité qui pour nous, a le visage du Christ et qui nous rassemble en son amour.

Joie, intercession, communion. Marie, en son Assomption, dessine les traits de notre avenir qui se trouve en Dieu, dans la Cité sainte, la Jérusalem céleste. Elle nous précède. Et dans la tempête, elle est un gage d’espérance. La main tendue de Dieu vers nous.

Face à toutes les désespérances du monde (et qui commencent souvent par nous-mêmes), que ce soit les menaces écologiques et les dérèglements climatiques, les divisions et désillusions politiques, les incertitudes économiques, les fractures sociales… qui pèsent sur notre monde, la Vierge Marie convoque notre espérance. Le Seigneur ne nous abandonnera jamais. Sa victoire est assurée. L’espérance ne déçoit pas. Marie en est le signe, le gage, la promesse. Et elle nous ouvre ses bras maternels pour nous conduire jusqu’à son Fils bien aimé, « le fruit béni de ses entrailles ». Le regard transfiguré de la Vierge pénètre dans les profondeurs de l’infini de Dieu qui la revêt de beauté et nous attire, par elle, jusqu’à Lui.

L’espérance qu’incarne Marie, nous transporte en Dieu.

 

+ Dominique Rey
+Cotignac, sanctuaire Notre Dame de Grâces
15 août 2022

 

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