Homélie du 12 juin : l’évêque porteur d’un message d’unité et d’espérance

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Alors que les ordinations de juin 2022 ont été suspendues dans le diocèse de Fréjus-Toulon, Mgr Dominique Rey a profité de la messe du pèlerinage des mères de famille de Cotignac pour prier pour le Diocèse et ses séminaristes, et pour porter dans son homélie un message d’unité et d’espérance, sur le modèle de la vocation maternelle de Marie.

 

Mot d’accueil

En cette fête de la Sainte Trinité où nous célébrons le mystère d’un Dieu Amour, communion du père, du fils et du Saint-Esprit, nous prierons pour toutes nos intentions, celles qui ont mobilisé notre marche, celles qui nous sont venues de proches. Nous prierons aussi tout particulièrement pour notre Diocèse, notre séminaire de La Castille, les séminaristes, et je pense à ceux qui ont appris, il y a quelques semaines simplement auparavant, le fait que leur ordination était reportée à la demande des congrégations romaines. Nous nous confions, nous les confions, à l’intercession de Marie, pour entrer dans un chemin de confiance, d’espérance, en accueillant aussi la force de sa foi.

 

Homélie

Nous nous retrouvons ici dans ce sanctuaire, en ce jour, à la suite de l’école de Marie, « notre humble sœur », comme disait Paul VI, notre compagne, dans le pèlerinage de la foi qu’elle nous fait vivre et qui éclaire notre propre chemin de vie à la suite du Christ. La Vierge Marie nous invite comme femme, épouse, mère, à assumer plusieurs postures. D’abord, Marie est celle qui demeure. L’Évangile de Jean répète à l’envie ce verbe « demeurer », « demeurer en mon amour, demeurer en moi comme moi je demeure en vous ».

Et la Vierge incarne en premier lieu cette attente confiante, Notre Dame d’avant l’Annonciation nous garde des impatiences, de la fuite en avant, du « tout, tout de suite ». Elle nous enseigne la lenteur des germinations, à guetter l’inattendu de Dieu. Demeurer est une gageure dans notre société liquide, disruptive, en obsolescence perpétuelle, au gré des modes, au fil des émotions sensibles et des impacts médiatiques.
La foi de Marie offre un socle, constitue une certitude portée dans une absolue confiance. Son fiat est sans restriction, sans réserve, sans retour en arrière. Il est pour nous modélisant et inspirant. Marie fait le choix de Dieu jusqu’au bout, jusqu’à la croix, tandis que les apôtres fuient, que Pierre renonce, que Judas trahit.

Notre attachement au Christ se vérifie à l’heure des combats, quand jaillissent les doutes. La Vierge nous convie à refaire les choix de Dieu, à réassurer les engagements qui sont les nôtres dans notre vie personnelle, familiale, alors qu’ils pourraient s’effriter, s’amoindrir, se distendre. Marie est celle qui demeure mais également celle qui unit.

Nous la retrouvons au Cénacle au jour de la Pentecôte, les apôtres rassemblés autour d’elle, portés par sa prière et par sa foi. C’est à partir de l’alliance nuptiale des époux qui conjuguent leur altérité et leur complémentarité que naît la vocation de la mère, en lien avec son conjoint. La vocation de la mère est de cultiver un esprit de famille, qui rassemble, qui garantit à la foi l’unicité et la spécificité de chaque enfant et en même temps le service du bien commun de la famille, le souci de l’autre.

Nous nous trouvons dans un contexte sociétal de privatisation narcissique de l’existence, du chacun pour soi ou encore à l’échelle de notre nation de communautarisme, de ghettoïsation suivant les affinités et les croyances de chacun. On assiste ainsi à une fragmentation du tissu social, à une archipélisation de notre société, avec la montée en puissance des revendications individuelles ou corporatistes. La perte des récits symboliques, des utopies politiques qui fondaient le vivre ensemble laisse place aujourd’hui à un individualisme exacerbé. Ces fissures atteignent, blessent, non seulement le corps social, mais aussi le corps ecclésial en autant de sensibilités qui s’affrontent ou s’ignorent entre elles.

La vocation maternelle de Marie a été d’engendrer par l’Esprit Saint le corps humain de Jésus, et aussi d’engendrer le corps ecclésial. À l’école de Marie, mère, notre mère, chères pèlerines, votre vocation maternelle est aussi de relier, parfois de recoudre ce qui est déchiré au sein des familles, de consolider ce qui est fragile. Est en jeu notre capacité d’attention, notre tendresse, notre capacité d’écoute, de dialogue, mais aussi de pardon, en nous appuyant sur Celui qui est le seul à pouvoir récapituler toute chose en Lui pour le rapporter au Père : Jésus-Christ. En cette fête de la Sainte Trinité où nous célébrons un Dieu de communion, voici que cette confession en cette foi trinitaire inspire, éclaire, finalise, toutes les recherches de communion, d’unité vers lesquelles Marie nous conduit.

Marie nous enseigne une autre posture, tellement indispensable dans notre monde qui promeut la performance et vante le succès à tout prix. La Vierge est celle qui est attentive à ce qui faiblit, à ce qui faillit. « Ce qu’il y a de pauvre dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi ». La proximité de la Vierge à ce Jésus faible et dépendant d’elle, qu’elle accueille en son sein, dans ses bras à Bethléem ; à ce fils qui a eu faim et soif dans le désert, abandonné des siens à Gethsémani et qu’elle accueille entre ses bras comme un cadavre au pied de la croix. Face à un univers qui refuse la limite et se défausse face à la pauvreté, le Christ nous a sauvés en assumant celle-ci. Sa lumière rejoint nos vulnérabilités et se sert d’elles pour révéler la Miséricorde Divine. Nos blessures deviennent alors stigmates, c’est-à-dire des signes, des preuves que l’amour est plus fort que la mort.

La vocation de toute mère est thérapeutique. Elle prend soin, elle panse les cicatrices de la vie. Elle croit au-delà de la nuit de la souffrance à une aube nouvelle qui jaillira des ténèbres. La compassion de Marie se fait consolation. Et cette consolation doit inspirer votre mission maternelle de proximité, d’accompagnement, d’accouchement, au sens où, chères pèlerines, vous aidez chacun de vos enfants à devenir lui-même, à se trouver, à trouver sa place dans la vie, à devenir sujet de sa propre histoire. La maternité est don de soi au service de toute faiblesse, de toute vulnérabilité. De l’enfant bien sûr, mais au sens large de toute faiblesse qu’elle rencontre et discerne.

Et cette mission éducative conduit chaque mère à aussi ouvrir le regard de ceux qu’elle entoure, qu’elle côtoie, qu’elle accompagne à tout ce qui fléchit. À discerner avec les yeux du cœur dans toute fragilité, l’appel de Dieu, la présence du Seigneur. Ce qui fera dire à l’apôtre Paul aux Corinthiens « ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi. C’est de ma faiblesse que je me vanterai, c’est quand je suis faible que je suis fort ». Marie nous éduque à la foi par son fiat qu’elle prononce lors de l’Annonciation, mais aussi par sa présence au pied de la croix. Marie, humble servante, nous introduit à la charité par le don d’elle-même à son Fils qui se veut une réponse au don que Jésus fait de lui-même pour le salut du monde. La Vierge nous convoque également à l’espérance, à ce qui surgit.
Marie la Théotokos, celle qui enfante Dieu au monde, Marie, mère du Christ mais aussi mère de l’Église… notre mère. Elle exerce une maternité spirituelle vis-à-vis de chacun d’entre nous, elle nous engendre à la vie divine. Marie, mère de l’espérance, est prophète. Elle voit la première se lever l’aurore du monde nouveau. À son Assomption, elle partage auprès de son Fils la gloire dans le Ciel. Sa victoire pascale, elle en recueille la première les fruits. Elle nous rappelle que le christianisme est devant nous, qu’il dépasse les schémas, les prédictions, les prévisions dans lesquels nous voudrions enchâsser le réel. La Providence de Dieu fait toujours éclore l’inattendu, l’inespéré, ce qui dépasse toute mesure ; car la mesure de Dieu c’est la démesure, l’improviste, l’importun. Il se manifeste là où on ne l’attendait plus. En cela il témoigne d’une liberté, d’une créativité, d’une puissance que l’homme, prométhéen, ne peut se donner à lui-même. En tout, il doit s’attendre à Dieu. Le feu de l’Esprit Saint fait toute chose nouvelle. Au matin de Pâques, le tombeau du Christ est devenu le berceau d’une nouvelle humanité, et jusqu’à la fin des temps Marie demeure le témoin fidèle de cette victoire sur la mort. Et elle nous lègue cet héritage face à tous les défaitismes, les catastrophismes, à toutes les crises qui nous menacent, qui pourraient nous faire désespérer du monde, de l’Église, et de nous-mêmes. Cette petite fille espérance, dont parlait Péguy, qui tire en avant ses deux autres sœurs, les vertus de foi et de charité, nous engage personnellement à travailler pour la transformation du monde, pour la revitalisation de notre Église. Cette espérance pascale célébrée, actualisée à chaque messe, Marie en est à la fois le visage et le fruit.

Chères pèlerines, Marie vous tient par la main. Au ras du quotidien, elle vous aide à son exemple, par son intercession à assumer votre tâche, votre vocation de femme, d’épouse, de mère, de grand-mère, dans l’absolu consentement à Dieu, Lui qui demeure toujours avec nous, qui nous unit, qui nous relève et qui nous attend au terme de notre chemin de vie.

Amen.

 

+ Dominique Rey
Sanctuaire Notre Dame de Grâces
12 juin 2022

 

Crédit photo : Sanctuaire de Notre-Dame de Grâces
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