Homélie de Mgr Touvet pour l’ordination diaconale de Thomas Duchesnes

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Ordination diaconale de Thomas DUCHESNE
21 septembre 2024
Église St Pie X – Toulon

Chers frères et sœurs,
Vous avez reçu pendant l’été un faire-part d’ordination diaconale avec une belle reproduction du magnifique tableau du Caravage : la vocation de saint Matthieu. Cette toile qui se trouve à Rome dans l’église Saint-Louis-des-Français nous montre un instant décisif de la vie de Matthieu, un instant où le temps semble suspendu et où le silence a une densité particulière. Cet instant est en fait l’intervalle entre l’appel que le Christ Jésus lance à Matthieu le publicain, et la réponse de Matthieu le disciple. « En passant, Jésus vit Lévi, le fils d’Alphée, assis au bureau de la douane, et il lui dit : « suis-moi ». Et, se levant, il Le suivit » (Mt 2,14). La scène se passe dans une pièce sans aucun décor et où la lumière est réduite. Rien ne vient distraire l’œil de l’événement qui va peut-être se produire et faire que le vide totalement obscur qui sépare les deux groupes de personnages soit peut-être comblé. Le groupe de gauche rassemble cinq hommes assis ; ils sont assujettis par l’argent qui les retient autour de cette table dans un lieu clos et sans lumière. Ils sont vêtus de vêtements riches, d’étoffes aux belles couleurs ; ils sont absorbés par les affaires. Trois d’entre eux regardent Jésus : Lévi qui semble être étonné d’être appelé, et deux jeunes gens dont l’un manifeste une curiosité indifférente sans agressivité et l’autre est penché en avant comme s’il allait se lever. Le plus jeune a la main crispée sur une bourse pleine d’argent.
À l’opposé sur la droite, Jésus, debout, vêtu d’une tunique rouge, tend le bras et l’index vers Matthieu. Son regard est intériorisé et sa bouche close. Son geste est comme sans force, presque sans vie. Son bras comme le bras du Christ en croix, cette croix qui apparaît au-dessus de sa main : c’est en fait le croisillon de la fenêtre mis en valeur par le faisceau de lumière. Ce bras qui ressemble à celui d’Adam dans la fresque de Michel-Ange, appelle Matthieu à une vie nouvelle. Matthieu pointe son doigt sur lui-même, l’air de dire : « moi ? mais je ne suis pas digne … ». Le Caravage suggère ainsi la suite du texte de l’Évangile : « ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je en suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs ». C’est pourquoi le bras de Jésus trace un arc qui relie ces hommes plongés dans les ténèbres à lui-même et à l’apôtre Pierre. Une invitation à devenir disciples en vivant une conversion et en se levant …. Comme celui qui se relève de son tombeau obscur pour aller dans la lumière.
Comme nous l’avons demandé dans la prière d’ouverture e cette fête de Saint Matthieu, Thomas va s’engager aujourd’hui à suivre Jésus et à s’attacher à lui fermement par la foi. Il a attendu longtemps avec cette main de Jésus pointée sur lui ! Mgr Rey – qui fête aujourd’hui son anniversaire, après avoir fêté ses 24 ans d’épiscopat mardi dernier … nous l’assurons donc de notre prière – accompagnait Thomas et veillait sur lui et d’autres jeunes venus rejoindre le diocèse après des débuts de formation ailleurs. L’Église, par votre serviteur, a demandé à Thomas encore de la patience et du courage avant de se lever comme Matthieu, de façon simple et vraie, avec joie et confiance, pour marcher à la suite de Jésus et servir comme lui. Aujourd’hui, il sort de l’obscurité de ce tableau pour avancer, pour faire ce pas en avant qui manifeste sa ferme intention de tout donner, de donner sa vie, sans chercher à rester assis autour de cette table, avec les autres, revêtu de beaux habits, préoccupé par l’apparence. Le tableau du Caravage nous dit la puissance de l’appel qui bouleverse une existence au point de faire entrer l’appelé dans l’humilité et l’abandon, dans la simplicité et l’offrande de soi. Saint Paul nous le dit dans sa lettre aux éphésiens : « ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience ».
C’est une grâce pour vous, Thomas, de recevoir l’ordination diaconale sous le regard de saint Matthieu, le publicain devenu évangéliste. Il vous apprend à quitter vos attaches humaines pour vous attacher à Jésus. Il vous ouvre le chemin d’une vie donnée dans la lumière du Christ ressuscité. Il vous montre que tout est possible avec la grâce de Dieu.
Le diacre est avant tout un serviteur qui reçoit tout de Dieu pour le donner autour de lui, dans une imitation du Maître : le diacre annonce l’Évangile par la prédication, il participe à la sanctification de ceux qu’ils rencontrent, il manifeste la présence de Dieu qui s’est abaissé pour nous servir et nous relever. Le diacre a conscience d’être d’abord un pauvre pécheur que Dieu a choisi pour manifester sa présence et sa miséricorde dans un service joyeux et généreux. Il n’acquiert pas une posture honorifique en vertu de ses mérites personnels, mais la posture du pauvre qui accepte d’être crucifié avec Jésus pour ressusciter ceux qui sont comme morts au milieu de nous. Pendant votre séjour à Pignans, vous avez appris cela de façon très concrète et cela restera un vrai bénéfice de cette étape de votre vie. Vous avez vécu concrètement le don de vous-même – au point de vous endormir debout parfois, m’avez-vous dit – mais vous le faisiez pour réveiller ceux qui vivaient dans l’obscurité de la solitude, de la faim, de la pauvreté matérielle, de la détresse sociale. Vous avez appris à manifester la tendresse de Dieu dans un accompagnement humain sans artifice, car on est obligé d’être vrai dans de telles circonstances. On ne fait pas du cinéma pour être en pleine lumière, on ne joue pas à l’artiste qui aime se faire applaudir, mais on accepte de s’anéantir, de devenir esclave comme Jésus pour laver les pieds.
Par l’ordination reçue aujourd’hui, et avant de devenir prêtre quand le moment sera venu, vous engagez déjà l’Église tout entière dans tout ce que vous ferez. Par votre obéissance, vous témoignerez de votre attachement à la mission que Jésus a confiée à ses apôtres et à leurs successeurs, les évêques. Par votre souci de la communion, vous donnerez à l’Église d’être belle pour un grand et puissant rayonnement de charité. Par votre service liturgique et la célébration des sacrements dans la fidélité aux normes définies par l’Église notre Mère, vous construirez le Corps du Christ dont chaque baptisé est un membre à part entière. L’Église à son tour vous accompagne et vous soutient, elle vous donne mission et compte sur vous, elle prie pour vous et se réjouit de tout ce que vous semez et allez semer comme bon grain. Saint Matthieu est parti de très loin pour devenir disciple de Jésus et missionnaire de l’Évangile. Vous-même avez beaucoup reçu dans votre famille – et je tiens à exprimer ici toute ma gratitude à vos chers parents tout particulièrement – vous avez donc beaucoup d’avance sur Matthieu le publicain, …mais… Matthieu l’évangéliste a tellement d’avance sur vous que vous allez devoir donner beaucoup pour répondre à l’appel de Jésus à devenir disciple-missionnaire ! Cet appel qui vous est adressé retentit dans le cœur de tous ici aujourd’hui, et dans tout notre diocèse, et dans toute l’Église. Comme vous, nous voyons la main de Jésus se pointer sur nous dans ce rayon de lumière qui passe par la fenêtre de notre obscurité personnelle. Avec vous, nous pointons notre propre doigt sur nous-même pour préparer notre réponse et dire avec vous « me voici ».
Merci, Thomas, de prendre avec le pain sur la patène, toutes nos pauvres vies et de les déposer sur l’autel pour que l’évêque et les prêtres concélébrants, au nom du Seigneur, les présentent au Père en sacrifice. Merci, Thomas, de verser dans le calice, avec le vin, toutes nos joies et nos espérances, nos doutes et nos services rendus, afin que, présentés à l’autel, ils deviennent le lieu même où Jésus se manifeste dans sa présence réelle, venant étancher la soif de tous ceux qui, là autour de la table du bureau de la douane, demeurent trop attachés aux biens de la terre et empêchés de rencontrer Jésus.
Le Caravage a peint le rayon de lumière qui entre dans la pièce pour exprimer l’appel que le Seigneur nous adresse. Frères et sœurs, avec Matthieu en son temps, et Thomas aujourd’hui et pour demain, levons-nous pour répondre à l’appel de Jésus.
Amen.

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