HomĂ©lie de Mgr Touvet pour l’ordination diaconale de Joseph TRAN
Ordination diaconale de Joseph TRAN
Samedi 21 décembre 2024
Église Saint-Joseph de Toulon
Chers frères et sœurs,
Ă€ trois jours de la NativitĂ©, nous sommes heureux d’être rassemblĂ©s pour l’ordination diaconale de Joseph. Il est le 13ème diacre que j’ai la joie d’ordonner depuis la Toussaint. Grande joie pour notre Église diocĂ©saine, et profonde action de grâces pour ces hommes qui s’avancent en donnant tout et continuent la route vers l’ordination sacerdotale. Le psaume 32 que nous avons chantĂ© dit bien cette grande confiance qui habite nos coeurs : « Rendez grâce au Seigneur sur la cithare, jouez pour lui sur la harpe Ă dix cordes. Chantez-lui le cantique nouveau, de tout votre art soutenez l’ovation. […] La joie de notre cĹ“ur vient de lui, notre confiance est dans son nom très saint ». Dans l’ancienne Alliance, et par la venue de son Fils en notre chair, Dieu dĂ©ploie son plan de salut. Il vient apporter le pardon des pĂ©chĂ©s, il vient nous combler de sa vie en plĂ©nitude. Il le fait Ă travers tous ses messagers qu’il choisit et appelle, consacre et envoie en mission. Joseph fait partie de ceux-lĂ . Par l’imposition de mes mains et l’invocation du Saint-Esprit, il va devenir diacre, configurĂ© au Christ serviteur de tous. Il n’entre pas dans une carrière professionnelle ayant satisfait Ă toutes les Ă©preuves du parcours de formation, il ne devient pas un acteur Ă qui on demanderait des prestations gestuelles ou oratoires, il ne devient pas un fonctionnaire du culte Ă qui on s’adresse pour obtenir des cĂ©lĂ©brations rituelles moyennant des honoraires. Il devient diacre pour tenir la place du Christ serviteur. C’est du don, de la charitĂ©, du service. Par sa façon de vivre, par sa bontĂ© et sa douceur – telles que nous les lui connaissons – il va permettre aux plus petits et aux plus fragiles de rencontrer JĂ©sus, de goĂ»ter la misĂ©ricorde de Dieu, de faire l’expĂ©rience de la proximitĂ© et de la tendresse du Seigneur. Le ministère diaconal de Joseph va traduire pour aujourd’hui ces paroles que nous avons entendues dans la bouche du prophète Sophonie qui s’adresse au peuple saint : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Eclate en ovations, IsraĂ«l ! […] Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui le hĂ©ros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allĂ©gresse, il te renouvellera par son amour. » La dĂ©livrance qu’apporte le Messie tant attendu est offerte dans la joie.
C’est justement ce qu’exprime Elisabeth lors de la visitation de Marie. Les deux femmes se rencontrent, Marie salue sa cousine. L’une est jeune et l’autre âgĂ©e ; l’une est vierge et l’autre stĂ©rile. Elles sont toutes les deux enceintes alors que c’est impossible, en fait. Dieu rend possibles les choses les plus impossibles. Ă€ travers cette visitation, ce sont les deux enfants qu’elles portent chacune qui se rencontrent. Jean-Baptiste n’est pas encore nĂ© qu’il tressaille dĂ©jĂ Ă l’approche de JĂ©sus qui n’est pas encore nĂ© non plus. « Lorsque tes paroles de salutation sont parvenues Ă mes oreilles – dit Elisabeth Ă Marie – l’enfant Ă tressailli d’allĂ©gresse en moi. » Cette rencontre mystĂ©rieuse et vraiment Ă©tonnante, nous dit comment l’humanitĂ©, comment le peuple de l’ancienne alliance accueille le Sauveur, le libĂ©rateur non du pouvoir romain mais du pouvoir de l’esprit du mal. Jean-Baptiste est le plus grand de tous les prophètes. Contemporain de JĂ©sus, il lui ouvre la route, il prĂ©pare le chemin ; c’est lui qui le dĂ©signera « voici l’Agneau de Dieu ». JĂ©sus vient apporter au monde la consolation, la libĂ©ration du pĂ©chĂ© et du mal, la victoire sur la mort. Tout le mystère du salut en JĂ©sus-Christ va ainsi se dĂ©ployer. Avec Jean-Baptiste, nous accueillons JĂ©sus en tressaillant d’allĂ©gresse. Dans trois jours, nous cĂ©lĂ©brerons justement la NativitĂ© et nous connaissons bien la joie des enfants et des « grands enfants » que sont les adultes devant la crèche. Nos cĹ“urs s’ouvrent et se dilatent pour vivre cette joie profonde, pour en tĂ©moigner gĂ©nĂ©reusement et ardemment, pour rendre prĂ©sent celui qui est nĂ© Ă BethlĂ©em il y a 2025 ans – nous allons fĂŞter cela tout au long de l’annĂ©e jubilaire – JĂ©sus qui continue de naĂ®tre en nous et dans le monde pour offrir les trĂ©sors de sa grâce.
Le diacre Joseph sera serviteur de ce grand mystère. Depuis sa naissance Ă Ha Tinh au Vietnam, ses Ă©tudes de physique Ă SaĂŻgon et quelques annĂ©es d’enseignement, il arrive en France il y a 10 ans pour entrer au sĂ©minaire. Une vocation prĂ©sente dans son cĹ“ur depuis longtemps, mais contrariĂ©e par les calculs subtils et idĂ©ologiques du système politique vietnamien. En voyageant dans ce pays lointain et très beau il y a quelques annĂ©es, j’ai constatĂ© la vitalitĂ© de l’Église et des paroisses, et le très grand nombre de vocations. Joseph est venu ici dans un contexte bien diffĂ©rent pour offrir aux petits et aux pauvres la joie de rencontrer JĂ©sus. Comme Jean-Baptiste, ils peuvent vivre – et nous les premiers – ce tressaillement que dĂ©crivait si bien le Saint-Père dans son homĂ©lie au stade vĂ©lodrome Ă Marseille l’an dernier : « Tressaillir c’est ĂŞtre “touchĂ© Ă l’intĂ©rieur”, avoir un frĂ©missement intĂ©rieur, sentir que quelque chose bouge dans notre cĹ“ur. C’est le contraire d’un cĹ“ur plat, froid, installĂ© dans la vie tranquille, qui se blinde dans l’indiffĂ©rence et devient impermĂ©able, qui s’endurcit, insensible Ă toute chose et Ă tout le monde, » Le diacre va permettre aux autres de percevoir quotidiennement la visite de Dieu, de se sentir acompagnĂ© et soutenu par Lui. Il va aider les chrĂ©tiens – mais pas seulement – Ă se mettre en route avec empressement vers le prochain, Ă rencontrer Dieu en JĂ©sus, Ă ĂŞtre – comme le disait aussi le Pape – des « chrĂ©tiens qui tressaillent, vibrent, accueillent le feu de l’Esprit pour se laisser brĂ»ler par le cri des pauvres, par les saintes utopies de fraternitĂ© et de paix qui attendent d’être rĂ©alisĂ©es. »
Joseph, ici en France, nous sommes loin des cours de catéchisme assurés dans la cour de la paroisse vietnamienne devant 500 enfants rassemblés en colonnes et qui répètent, tous debout, d’une seule voix les leçons d’une façon qui nous semble un peu hâchée à cause du monosyllabisme. Nous sommes loin des nombreuses messes qui débutent à 4h du matin et voient les églises pleines à chaque fois. Le régime n’a pas réussi à éteindre la foi des vietnamiens, ni même votre vocation. Ici, pas de régime communiste, mais une sécularisation active et très rapide qui plonge nos concitoyens dans une grande indifférence religieuse et la mollesse d’une vie sans idéal et sans conviction. La foi n’est plus le trésor le mieux partagé. La foi se transmet difficilement d’une génération à une autre. Face à cela, nous ne cherchons pas les performances ni les exploits, nous ne nous lançons pas dans le prosélytisme agressif, mais nous sommes appelés à vivre humblement et pauvrement notre ministère, à annoncer inlassablement l’Évangile de la vie, à témoigner tout simplement de la présence de Jésus qui vient parmi nous pour nous guider, nous relever, nous pardonner, nous aimer. Le diacre est le serviteur de la rencontre heureuse avec Jésus, il est serviteur de ce tressaillement qui vient de l’expérience profonde de Dieu. C’est en vivant vous-même intensément de la sainte Eucharistie célébrée et adorée, c’est en vous nourrisant chaque jour de l’Évangile, que vous serez en mesure de donner cette joie de la rencontre avec Dieu par votre rayonnement de charité.
Que la joie d’accueillir le Sauveur soit dans nos cœurs. Comme Elisabeth et Zacharie, comme Marie et Joseph, comme tous les prophètes et serviteurs de Dieu, comme tous les témoins et disciples du Christ, comme tous les santons de nos crèches qui s’approchent de la pauvre étable, accueillons dans la joie le Sauveur qui vient.
Amen.





