Homélie de Mgr Touvet – Ordination diaconale d’Aymeric

© Augustin Navaranne

Ordination diaconale de Aymeric FLOURY
Ascension du Seigneur – 9 mai 2024
Église St Pie X
Paroisse Saint Pie X – Toulon

 

Chers frères et sœurs,

« Le Seigneur monte au Ciel au milieu des chants de joie, il nous prépare une place auprès de lui, alleluia ! »

C’est le refrain d’un chant du répertoire des sanctuaires de Lourdes. Il donne un écho au psaume 46 que nous venons de chanter : « Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu par vos cris de joie ! […] Sonnez pour notre Dieu, sonnez, sonnez pour notre roi, sonnez ! » Ces chants nous introduisent dans la grandeur du mystère de l’Ascension que nous célébrons aujourd’hui, mais aussi dans sa simplicité. Saint Marc raconte dans la finale de son Évangile : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. » Ainsi donc, si le Seigneur monte au Ciel, et par là-même, nous indique le chemin à suivre, ou plutôt le but à atteindre, nous sommes envoyés en mission, ici-bas et dès maintenant. Nous pouvons donc retenir ceci : ne nous laissons donc pas aller à un attentisme passif en négligeant notre implication dans la vie du monde, mais engageons-nous concrètement dans la mission que Jésus confie à ses Apôtres : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ».
Les premiers versets du livre des Actes des Apôtres sont particulièrement éloquents : Jésus vient de donner ses instructions aux Apôtres par l’Esprit-Saint. Eux regardent vers le Ciel, Jésus s’élève et une nuée le soustrait à leurs yeux. Deux hommes en blanc se tiennent là et disent aux apôtres qui regardent encore le ciel : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » Nous entendons ces paroles aujourd’hui de la façon suivante : chers amis, ne vous attardez pas. C’est le moment de partir en mission. Il faut préparer la venue du Seigneur dans les cœurs, dans les familles, dans les paroisses, dans les communautés, dans le monde. C’est très bien et très bon de regarder le Ciel, d’être orienté vers le Ciel, de désirer la vie avec Dieu, la vie éternelle, mais pour l’heure, votre mission, c’est d’aller dans le monde comme les agneaux au milieu des loups pour proclamer l’Évangile du salut. Ne fuyons pas ce monde même si tout est loin d’être parfait. C’est dans ce monde-là que nous sommes envoyés. Ne méprisons pas ce monde en nous tenant à part comme si nous étions des purs. C’est à ce monde-là que nous sommes chargés d’offrir notre témoignage en paroles et en actes.

Cher Aymeric, vous vous avancez aujourd’hui pour recevoir l’ordination diaconale. Le Seigneur vous le dit comme il le dit autrefois aux apôtres : « vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous. [ …] Vous serez alors [mes] un témoin[s] jusqu’aux extrémités de la terre ». Le diacre que vous serez dans quelques instants, et le prêtre que vous deviendrez si Dieu le veut ainsi, quand le moment sera venu, doit garder – permettez-moi la formule – la tête dans le Ciel et les pieds sur terre.

La tête dans le Ciel : comme ministre du Seigneur, il importe de demeurer attaché au Christ, enraciné en lui pour être vraiment son serviteur. Le serviteur n’est pas plus grand que son maître, nous le savons, mais pour être vraiment serviteur, il doit vraiment chercher à ressembler au maître, et pour cela, il l’écoute, il le contemple. Le diacre est avant tout un homme de la prière. Vous vous engagez aujourd’hui à célébrer la Liturgie des Heures. En priant les psaumes aux différentes heures de la journée, vous allez rejoindre la prière de Jésus, vous allez porter la vie de toute l’Église et la vie du monde en rejoignant le cri des malheureux et des exilés, les appels des malades et des mourants, mais aussi les actes de foi de ceux qui cherchent Dieu et ont soif de lui, de ceux qui lui demandent pardon pour leurs péchés. Vous rejoindrez aussi les chants de louange de tout le peuple saint de Dieu qui rend grâces, qui bénit, qui acclame avec le cor, les cordes et les flûtes, la harpe et la cithare, la danse et le tambour, les cymbales sonores et triomphantes (cf Ps 150). En portant cette charge de la prière, avec tous ceux qui s’y sont engagés, vous serez un veilleur, jour et nuit, matin et soir, l’homme de Dieu qui n’oublie pas que, pour faire l’œuvre de Dieu, il doit commencer par s’asseoir à ses côtés pour écouter sa parole. Nous, diacres, prêtres et évêques, rappelons-nous toujours que le bréviaire ne passe pas après, au risque de passer à l’as, mais il passe avant pour éclairer et nourrir notre action. Certes, le respect de la vérité des heures n’est pas toujours possible ou aisé, et le service des pauvres n’attend pas, mais c’est une priorité, un devoir auquel nous devons ensemble rester attachés fidèlement. La prière de l’office à plusieurs, et aussi avec les fidèles laïcs, permet d’ailleurs de le vivre avec plus de force encore et de ne pas céder à la facilité de prières récitées à grande vitesse ou seulement par obligation formelle.

La tête dans le Ciel… et les pieds sur terre : saint Marc emploie cette formule magnifique, toujours très émouvante et édifiante : « Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient ». Votre ministère, cher Aymeric, va se traduire de façon très concrète dans la vie quotidienne. Comme diacre puis comme prêtre plus tard, vous allez expulser les démons, parler en langues nouvelles, prendre des serpents dans vos mains, imposer les mains aux malades (cf Mc). C’est-à-dire que votre présence sera mystérieusement la présence de Jésus qui guérit et délivre, qui donne sa paix et remet debout, qui enseigne et nourrit. Être serviteur de la charité, serviteur de la liturgie, serviteur de la parole, c’est donner un avant-gout du Ciel, c’est permettre à chacun de connaître l’amour que Dieu nous porte, c’est découvrir le chemin de la vie qui conduit jusqu’au ciel. Votre tempérament paisible et sans violence, votre constance et votre persévérance malgré les échéances parfois difficiles à tenir, tout ce qui fait votre personnalité et qui fut apprécié à juste titre par Mgr Rey lorsque vous travailliez auprès de lui à l’évêché, tout cela semble bien être un vecteur de ce témoignage : le Seigneur travaille ainsi avec vous. Je ne sais pas si vous prendrez des serpents dans vos mains (!), mais je sais que vous verrez des signes de l’action de Dieu à travers vous. Plus vous aurez la tête dans le Ciel et les pieds sur terre, plus vous verrez, par des signes étonnants, l’œuvre de Dieu qui s’accomplit.

Dans l’enseignement que l’apôtre Paul nous donne sur l’Église (je reprends pour conclure le passage de saint Paul aux Ephésiens, chapitre 4), chacun d’entre nous pourra trouver les repères dont il a besoin pour se conduire, selon ses mots, « d’une manière digne de sa [votre] vocation ». Pour le diacre comme pour tout membre de l’Église, qu’il soit « apôtre, prophète, évangélisateur, pasteur, enseignant », les outils à disposition sont « l’humilité, la douceur et la patience, le support mutuel, l’unité dans l’Esprit, le lien de la paix ». En ce jour de l’Ascension du Seigneur, Jésus n’abandonne pas son Église. Il l’accompagne de sa présence d’une façon nouvelle, par l’Esprit-Saint qui nous est promis.

Rendons grâce pour notre vocation universelle à la sainteté qui nous fait regarder vers le Ciel, et pour notre vocation à chacun qui nous pousse à agir dans le monde de façon concrète pour préparer la venue du Seigneur dans sa gloire. Rendons grâce pour la réponse généreuse de ceux que Dieu appelle, et prions pour ceux qui s’interrogent et ressentent un désir de donner leur vie comme prêtre. En communiant au Corps du Christ, accueillons le Pain vivant descendu du Ciel qui nous donne un avant-goût du Ciel, nourrissons-nous de la charité divine qui nous permet chaque jour, ici et maintenant, d’aimer et de donner notre vie sans compter. Amen.

 

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