Homélie, dans le cadre de la messe de suffrage pour le pape François

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Messe de suffrage pour Sa Sainteté le pape François
Vendredi 25 avril 2025

Chers frères et sœurs,

Rendons-nous à Jérusalem et observons ce que nous dit le texte des Actes des Apôtres de ce qui vient de se passer avant le récit que nous venons d’entendre : Pierre et Jean viennent de guérir un pauvre mendiant à la Belle Porte. N’ayant rien dans les poches à lui donner, Pierre lui a dit : « de l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le nazaréen, lève-toi et marche. » Le récit se poursuit ainsi : « d’un bond, il fut debout et il marchait… l’homme ne lâchait plus Pierre et Jean… tout le peuple accourut vers eux… ». Les apôtres du Christ ressuscité ont donc remis debout un infirme de naissance, ils l’ont ressuscité en quelque sorte, ils lui ont redonné vie. Pierre a pris la parole en public et témoigné de sa foi dans une magnifique prédication devant tout l’aréopage. Les autorités lui ont ensuite interdit de parler mais « on n’enchaine pas la Parole de Dieu », nous dit saint Paul (2 Tm 2,9). En effet, rien n’arrête Pierre. Pourtant, il se fait arrêter. Au cours de l’interrogatoire, il continue de témoigner : « En nul autre que Jésus, il n’y a de salut, car sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes qui puisse nous sauver ».

Le Pape François, successeur de Pierre, vient de s’endormir dans la mort. Sa dépouille repose dans la basilique Saint-Pierre, devant l’autel, à la verticale du tombeau du chef des apôtres. Demain, son corps sera inhumé dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, là où il aimait se rendre au départ et au retour de tous ses voyages apostoliques. Nous sommes rassemblés ce soir pour prier pour lui. Pas d’hommage mais une messe de suffrage : cela veut dire que nous intercédons auprès de Dieu pour que son serviteur soit pardonné de ses péchés et reçoive la grâce de voir celui qu’il a servi. En effet, au monument, on honore un mort en racontant sa vie ; à l’église, nous acclamons un vivant en célébrant sa mort : c’est le Christ Jésus ressuscité. Nous sommes encore dans l’Octave de Pâques. Dimanche, le Saint-Père nous a dit de sa voix très affaiblie : « frères et sœurs, bonne fête de Pâques », puis il nous a bénis « urbi et orbi ». Ce furent ses dernières paroles et son dernier acte d’évêque de Rome.
Aujourd’hui, c’est lui qui vit sa propre Pâque, son passage par la mort dans l’espérance de la vie éternelle auprès de Dieu. Bien sûr nous rendons grâce au Seigneur pour ces 12 années de pontificat, riches d’enseignements et de gestes qui valaient beaucoup de discours. Comme Pierre, rien ne l’arrêtait. En célébrant le sacrifice eucharistique, nous offrons sa vie et son ministère au Seigneur avec le pain et le vin présentés à l’autel dans un instant. Nous demandons paix et miséricorde pour ce serviteur inlassable, ce prédicateur passionné de l’Évangile, ce pasteur travaillant à l’unité, ce chef d’état engagé pour la paix, cet homme si proche et fraternel, ce père toujours fort dans la foi, ce chef de l’Église associant les uns et les autres à son gouvernement, ce missionnaire au cœur ardent. Sa parole et son exemple ont retenti non seulement dans l’Église catholique, mais aussi dans les autres Églises chrétiennes, dans les autres religions, et dans le monde entier. Souvenons-nous de ses vibrants appels à la paix, de son engagement dans le dialogue avec les musulmans, de son encyclique Laudato Si sur l’écologie intégrale reconnue unanimement comme un texte de référence.
Sa foi était enracinée dans la foi des apôtres, les colonnes de l’Église, eux à qui Jésus s’était manifesté après sa résurrection. Le passage d’Évangile entendu ce jour nous décrit cela, et nous voyons comment la foi nait et grandit dans le cœur de ceux qui avaient suivi Jésus, l’avaient entendu, l’avaient vu accomplir des signes… eux qui l’avaient toutefois abandonné au moment de son agonie et de sa crucifixion. Notre foi, sujette à bien des faiblesses, des hésitations, des infidélités, des reniements, se nourrit ces jours-ci du grand mystère de la résurrection, « fondement de notre espérance », comme le rappelait François dans son message de Pâques.
L’année sainte que nous vivons, nous catholiques, tels des « pèlerins d’espérance » est un temps de grâce et de renouveau que le Pape nous offre. Peut-être pouvons-nous retenir de lui trois aspects de son ministère apostolique pour avancer dans notre pèlerinage terrestre.
Tout d’abord, la compassion : tant par son enseignement que par ses actes, François nous a montré et démontré sa profonde attention aux plus petits et aux plus fragiles. C’était un marqueur de son ministère. Les drames de l’humanité le poussaient à des paroles et des gestes forts. Son insistance récurrente sur certaines formes de détresse humaine lui valut d’ailleurs la montée d’une incompréhension parfois virulente. N’a-t-il pas tout simplement cherché à vivre et à nous faire vivre ce que Pierre fit pour le mendiant à la Belle Porte ? Je n’ai rien d’autre que l’amour de Jésus, je ne peux rien faire d’autre que témoigner de la miséricorde de Dieu. Il avait d’ailleurs voulu une année sainte de la miséricorde en 2015-2016. Les migrants, les détenus, les enfants violentés y compris dans l’Église, les victimes de la guerre et des catastrophes climatiques étaient l’objet de sa grande compassion. Tout simplement l’Évangile, n’est-ce pas ? Oui, il nous a bousculés, mais il a rappelé la radicalité de l’enseignement de Jésus. « Sans la charité, je ne suis rien », dit saint Paul.
Le deuxième aspect que nous pouvons retenir, c’est le juste équilibre à tenir entre l’ouverture aux réalités de notre monde d’aujourd’hui et la fermeté inébranlable sur les questions essentielles de foi et de mœurs. Que ce soit en matière de liturgie, de doctrine, de morale, mais aussi de fonctionnement interne de l’Église, de gestion des biens matériels, le pape François a voulu nous inviter à vivre avec notre époque sans renier notre Histoire et notre Tradition. Les plus rigoristes ont souvent hurlé alors que l’opinion applaudissait ses paroles audacieuses et son attention à des réalités humaines complexes. Et l’inverse se vérifia quand il rappelait avec fermeté la position intangible de l’Église sur le respect de la vie humaine ou sur le combat spirituel contre le péché. Ce contraste apparent exprimait, je crois, sa grande liberté. Pas de calcul, pas de tactique, mais l’expression de ce que le Seigneur lui inspirait pour le bien de l’humanité, le bien de l’Église, le bien de chaque personne humaine, croyante ou non. Le renouveau missionnaire et pastoral qu’il a promu avec force doit se vivre dans cette dynamique de liberté : il faut la fidélité à la Tradition vivante qui nous vient des Apôtres, explicitée au long des siècles par le Magistère, il faut la proclamation explicite du kérygme, le cœur de la foi qui ne change pas ; et il faut aussi une attitude d’accueil et de bienveillance, de simplicité et de fraternité pour offrir et permettre la rencontre avec Jésus qui fait vivre « la joie de l’Évangile », comme nous le vivons ces temps-ci avec un nombre impressionnant de baptêmes d’adultes.
Enfin, le pape François nous laisse une troisième exigence : la mise en cohérence de notre vie chrétienne. Combien de fois a-t-il évoqué les pièges de la mondanité qui guettent les évêques, les prêtres, les consacrés, les familles, tous les baptisés ! Tel un père, il nous a tracé un chemin exigeant pour suivre le Christ. Dans ses diverses exhortations ou encycliques, et ses nombreux « motu proprio », dans la mise en œuvre progressive de la synodalité, le pape jésuite a ciblé certaines contradictions ou difficultés de notre vie dans l’Église et dans le monde. Parfois, c’était tellement direct que cela a pu sembler brutal, mais le recul permet de vérifier la pertinence de ses remarques. Les contestations furent somme toute le signe qu’il mettait le doigt là où ça faisait mal. Nous ne pouvons que progresser encore, frères et sœurs, dans la fidélité au Magistère de Pierre qu’il nous laisse, comme nous le fîmes avec l’enseignement de ses prédécesseurs.
Qui sera son successeur ? Celui que le Saint-Esprit permettra aux cardinaux de discerner comme le pape qu’il faut à l’Église maintenant. Le conclave est un événement spirituel, et non une campagne électorale. Nous n’attendons pas un pape progressiste ou conservateur, nous attendons un pape. Point. Nous prions déjà pour celui qui sera choisi par ses pairs et qui dira oui. Il restera à Rome sans revenir chez lui, mais il ne le sait pas encore. Nous demandons au Seigneur de préparer son cœur afin qu’il soit simplement le pasteur dont l’Église a besoin aujourd’hui et demain, dans la suite de François. Nous l’aimerons, nous le soutiendrons, nous lui obéirons parce qu’il sera l’évêque de Rome, successeur de Pierre. « Tu es Petrus. Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ».
Amen.
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