L’ordination est le sacrement qui rend possible tous les autres

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Homélie de monseigneur Dominique Rey le 29 juin 2008 (ordinations diaconales et sacerdotales)

Retrouvez ici l’intégralité de l’homélie donnée par monseigneur Dominique Rey, en la solennité des saints apôtres Pierre et Paul, à l’occasion de la célébration des ordinations diaconales et presbytérales, le 29 juin 2008.

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L’ordination est le sacrement qui rend possible tous les autres

Chers Frères et Sœurs,

J’ai ouvert cette célébration par un geste devenu banal, tant on s’est accoutumé à la liturgie, un geste pourtant si symbolique de ce qui est en jeu dans cette cérémonie d’ordination. J’ai baisé l’autel, cet autel que je vais encenser dans quelques minutes, au moment de l’offertoire.

Cet autel se rapporte à trois événements qui sont au cœur de toute vie chrétienne, qui est une vie de ressuscité.

L’autel est d’abord la table du repas pascal autour de Jésus : il nous rappelle le jeudi Saint.

L’autel est aussi la table du sacrifice, le signe de la Croix du Christ : il nous rappelle le Vendredi Saint.

L’autel représente enfin le tombeau vide, l’humble attestation de la victoire du Ressuscité : il évoque bien sûr le matin de Pâques.

En baisant l’autel le prêtre – ou le diacre – souligne qu’il est l’homme du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et du matin de Pâques. De la célébration de la Pâque à la Cène, en passant par la consommation au Golgotha, jusqu’au témoignage de la résurrection, l’autel rend compte ainsi de la triple identité du ministère presbytéral et diaconal.

D’abord le prêtre (ou le diacre) est l’homme de la communion

La sainte Cène est le rendez-vous de l’amitié avec le Christ. « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » dit Jésus au moment de laver les pieds des apôtres. Je me souviens de cette confidence reçue d’un prêtre : « j’ai vécu une vraie conversion après une adolescence chaotique. Et mon premier appel se rapporte à ces deux questions que le Christ m’a posé au fond de mon cœur au cours d’une retraite. D’abord : « Veux-tu m’aimer ? » (car Dieu s’est mis en souci d’avoir besoin de notre amour) Ensuite : « Veux-tu me faire aimer ? » Deux questions qui interpellent la liberté de celui à qui elles s’adressent. Deux questions de nature à retourner une existence. Deux questions posées à l’intérieur d’une amitié nouée avec le Christ. »

« Tu vois, un prêtre, c’est un ami de Jésus » disait encore cette mère de famille à son petit enfant, sans se douter de la profondeur de la définition. Dieu aime ceux à qui il peut donner le plus. Cette amitié avec le Christ est réaffirmée à chaque messe. L’invitation au mémorial que Jésus nous adresse (« Faites ceci en mémoire de moi ») exprime la nécessité que cette amitié retrouve sans cesse la source de son premier jaillissement, à la Cène, au jour de cette première messe que fut la célébration d’une Alliance nouvelle et définitive.

L’amitié avec le Christ (du prêtre ou du diacre) comporte 3 traits :

  • D’abord la gratuité. Dieu ne nous aime pas parce nous sommes « aimables » ou les meilleurs des hommes, mais parce que nous sommes ses enfants. Son amour n’a pas d’autre raison que lui-même. il est sans arrière pensée et sans calcul. Je pense à l’histoire de cette femme qui aborde le prêtre au sortir de la messe :

    « Mon Père, je voudrais vous parler de la situation personnelle très préoccupante de Mme Martin, votre paroissienne. Il faut absolument faire quelque chose pour elle. Cette femme a trois enfants à charge, son compagnon l’a quittée, sa situation économique est alarmante.
    Le curé demande alors à cette femme :
    « Mais quelle est donc sa situation matérielle ? »
    – Mon Père, répond la femme, Mme Martin est criblée de dettes. Elle a un arriéré de 3 mois de loyers impayés qui s’élève à 4 000 euros !
    – Bon je vais en parler au Secours catholique et le signaler aux Conférences Saint Vincent de Paul. »
    Et le prêtre ajoute :
    « Mais vous-même, vous semblez bien connaître Mme Martin. Vous êtes sa voisine ? Sa cousine ? Une amie proche ?
    – Non, mon Père, je suis sa propriétaire ! »

    Jésus, lui, nous a aimés gratuitement.

  • L’amitié procède également d’une proximité. En Marc chapitre 3 « Il en choisit 12 pour être avec lui ». «Etre avec » signifie que la vie de chaque apôtre ne pouvait se concevoir en dehors du Christ.
    Tous, qui que nous soyons, nous avons besoin d’un être qui nous permette de réaliser ce dont nous sommes capables. C’est le propre de l’amitié. Mais avec Jésus, l’amitié est portée à un point extrême de transformation. Il nous rend capable, lui, de faire ce que nous sommes incapables de faire par nous-mêmes. De dire par exemple « Ceci est mon corps » en brandissant l’hostie, de prononcer le pardon de Dieu « tes péchés sont pardonnés » à tout pénitent repenti.
  • L’amitié du Christ a pour horizon la communion universelle. Sa surabondance va jusqu’au bout du monde. La table de communion dressée le Jeudi Saint est ouverte à d’autres convives. « Quand tu donnes un festin, nous redit l’évangile de Luc, invite les pauvres, les estropiés, les boîteux, les aveugles, et tu seras heureux parce qu’ils n’ont pas de quoi te rendre ! » (Luc 14, 13)
    La mission presse le prêtre (ou le diacre) d’inviter aux noces de l’Agneau ceux qui le boudent ou s’y sentent étrangers. Tel est l’horizon eschatologique de tout ministère : inviter nos contemporains à entrer en amitié avec le Christ jusqu’à partager, un jour avec tous, le pain de vie et le vin nouveau de l’Alliance éternelle. La joie du prêtre (ou du diacre) c’est de communiquer sans cesse son amitié avec le Christ, en nouant une amitié avec chacun.

Le prêtre est aussi l’homme du Vendredi Saint

Il rend présent sur l’autel le sacrifice du Christ à chaque eucharistie. Etre ordonné prêtre (ou diacre), c’est embrasser la Croix du Christ. C’est ce que souligne le rite du baiser de l’autel. La sainteté du prêtre (ou du diacre) le convoque au Calvaire. Il trouve « sa fierté dans la Croix de Notre Seigneur Jésus Christ » (Galates 6, 14) (jusqu’à « achever dans son corps ce qui manque aux épreuves du Christ » Colossiens 1, 24)

Oui, quand Jésus vient dans la vie de quelqu’un, il n’arrive pas les mains vides. Il n’arrive pas sans emporter sa Croix. Ce qui faisait dire à Thérèse d’Avila : « Seigneur, je comprends que vous ayez si peu d’amis, avec le sort que vous leur réservez ». Nous rêvons souvent d’un christianisme sans nuage, sans crise, sans croix (en tout cas, qui les ferait disparaître), comme cet enfant dont j’entendis un jour la prière : « Seigneur, je voudrais te suivre jusqu’au bout, jusqu’au martyre… mais sans les clous ! »

N’oublions pas que nous sommes les disciples d’un maître crucifié ! « Je n’ai rien voulu, sinon Jésus, et Jésus crucifié » (1 Corinthiens 2,1) confiera l’apôtre Paul pour résumer son attachement au Christ. Ne rêvons pas d’un christianisme amidonné ! Notre tentation, comme Pierre au cours de la Passion, est de refuser la Croix, de vouloir nous sauver autrement que par elle.

Toute vie sacerdotale, toute vie chrétienne, parce que c’est une vie donnée, nous plonge dans un combat qui est en réalité celui du Christ dans sa Passion : « Fixée en un point unique, la Croix rayonne dans toutes les directions » (Grégoire de Nysse).

  • D’où un combat avec soi-même. Tout prêtre (tout diacre) subit les tentations de tout baptisé. Toute vie chrétienne porte l’exigence interne d’une conversion, que l’apôtre Paul définit en ces termes : « Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ! ».
  • D’où un combat dans le ministère, alors que tant d’hommes et de femmes, de jeunes, jettent un regard de suspicion, d’indifférence, parfois de mépris sur l’intérêt de notre apostolat (« Vous êtes députés aux choses sans importance », me répondait récemment le père d’un enfant confirmé).
  • D’où les combats, en raison de nos choix de vie, en particulier le célibat ou le non exercice d’une vie professionnelle alors que nous nous trouvons placés dans un contexte érotisé et hédoniste, avec la marchandisation croissante des relations humaines.
  • D’où les combats, parce que notre ministère nous positionne délibérément sur les lieux de crise et de fracture humaine, lorsque l’impasse en laquelle se trouve placé nos contemporains, les ouvre paradoxalement à la question de Dieu.
    Au pied de la Croix, se trouvait le disciple bien aimé. Il s’était penché sur la poitrine du Maître au soir de la trahison. Le disciple bien aimé est une figure sacerdotale. Il recueille au cours de la Passion du Christ, le témoignage d’une vie nouvelle qui jaillit du côté transpercé. Il nous fait comprendre la fécondité de tout sacrifice accompli dans l’amour, de toute vie offerte à la suite du Christ. C’est sans doute en le contemplant, que le saint curé d’Ars définissait le sacerdoce : « le sacerdoce, écrivait-il, c’est l’amour du cœur de Jésus ».
    J’ai fêté il y a peu, les 70 ans d’anniversaire de la profession religieuse d’un prêtre du diocèse, aujourd’hui âgé de 90 ans ! Il me raconta sa vie : « Fruit d’une union illégitime, j’ai été abandonné dès avant ma naissance par mon père qui voulait sauver sa réputation ! Totalement démunis, nous n’avions ma mère et moi, qu’une institution de bienfaisance qui nous recueillait le jour. La nuit, nous couchions sur un banc, toujours le même, près d’un réverbère. Ma distraction était, à la nuit tombante, de voir l’allumeur de réverbères nous offrir la lumière. Le réverbère était mon ami. Dans mon cœur d’enfant, j’avais 5 ans, il était pour moi, une présence protectrice. Ce réverbère avait une âme de père. Après le décès prématuré de ma mère, recueilli chez les Franciscains, je suivis la même route que ceux qui avaient apporté un sens à ma vie. » Le P. Joseph termine ainsi son témoignage : « A 90 ans, aujourd’hui, j’exulte de joie en proclamant que je pardonne à mon père, alors que je partais dans la vie comme un homme détruit. Au terme de ma vie, je tiens à proclamer qu’il y a un « pic » que l’on peut atteindre à cause du Christ. Ce « pic », c’est le pardon. La miséricorde, c’est le message de la Croix. « Père, pardonne-leur ». A partir de ce pic, la force du pardon, c’est ce qui nous permet de rebondir et de jeter un regard de vérité sur soi-même et sur le monde. »

Le prêtre est surtout le témoin du matin de Pâques. Sa mission est de célébrer la Résurrection du Seigneur (le jour du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne), et d’en donner les signes sacramentels :

  • Le signe efficace de la transformation par le baptême, d’une existence périssable à une vie filiale ;
  • Par la confirmation d’une vie vécue pour soi à une vie vécue pour les autres ;
  • Par l’eucharistie à une existence où l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, se donne en nourriture.

L’ordination est le sacrement qui rend possible tous les autres

Le prêtre (le diacre) signifie ainsi l’actualité de la grâce. La Pâque du Seigneur ne se situe plus dans le passé, le rachat n’est pas à attendre dans un avenir incertain. Le salut de Dieu, c’est pour aujourd’hui. Il nous est contemporain. « Il est là » disait en tenant l’hostie saint Jean-Marie Vianney. Les paroles consécratoires que le prêtre prononce, au nom du Christ, à chaque messe « Ceci est mon corps. Ceci est mon sang » au nom du Christ, offrent bien la preuve de la présence réelle du Ressuscité.

Mais ces paroles « Ceci est mon corps. Ceci est mon sang » ne demeurent pas extérieures au prêtre. Elles expriment également que le ministre ordonné engage toute son existence (son propre corps, son propre sang) par cette consécration qu’il prononce.

Son existence entière est consacrée : son corps appartient au Christ, ce qui justifie son célibat ; son sang appartient au Christ, ce qui légitime tous ses efforts.

  1. Le prêtre (le diacre) appartient à l’Eglise. Il vous appartient.
  2. A partir du Ressuscité, l’humanité entre progressivement en Dieu. Elle arrive à un port. Le prêtre est celui qui le fait rentrer.
  3. Le prêtre (le diacre) porte au nom de tous, l’espérance de cette ascension vers le Père. Chaque eucharistie en offre le gage.

Chers ordinands, en ce jour, le Seigneur vous a investis de sa beauté. De la beauté inaltérable du mystère pascal. Cette beauté est à la démesure de son amour infini, dont vous devenez les serviteurs et les ministres, intendants fidèles et zélés, pour enseigner le peuple chrétien, le sanctifier, le guider à la suite du Bon Pasteur.

Chers amis, ces nouveaux prêtres et diacres, en ce jour, le Seigneur les confie à votre prière. Vous êtes leur famille. Aidez-les à croire en leur ministère. Demandez-leur de vous donner le Christ. C’est le meilleur qu’ils puissent vous transmettre.

+ Dominique Rey
Messe au Séminaire de La Castille (Solliès-Ville)
24 juin 2018

 


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